Cacophonie au sommet de l’Etat autour du 5ème mandat

L’ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Me Farouk Ksentini a jeté un véritable pavé dans la mare en déclarant avoir rencontré récemment le président Bouteflika et que ce dernier lui aurait signifié le désir de briguer un 5ème mandat. En ajoutant que malgré la diminution de ses facultés physiques, le président Bouteflika continuait à faire preuve de grandes qualités intellectuelles, Me Ksentini a cru bien faire et témoigner ainsi de son soutien moral aux ambitions de son vieil ami de trente ans. Mais voilà qu’il semble qu’au sommet de l’Etat certains décideurs n’ont pas apprécié la sortie médiatique de Me Ksentini. Un communiqué de la présidence de la république est venu démentir cette information. « Un certain nombre de déclarations rapportées par la presse électronique et quotidienne, hier samedi 18 novembre et aujourd’hui dimanche 19 novembre 2017, stipulent que le président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika aurait accordé une audience à Maître Farouk Ksentini qui aurait abordé avec lui des questions ayant trait à la situation actuelle ainsi que les perspectives futures », précise le communiqué. Avant d’ajouter : « La présidence de la République dément catégoriquement, autant la véracité de l’audience que celle du contenu qui lui est accolé et considère qu’il s’agit là de pures affabulations« .

Les observateurs sont perplexes devant cet épisode burlesque qui en dit long sur la déliquescence de la vie politique et institutionnelle du pays. En effet, à en croire le communiqué de la « présidence », Me Ksentini aurait rencontré le président Bouteflika dans son rêve. Or, il est difficile d’imaginer que l’avocat ait inventé de toutes pièces un témoignage aussi grossier qui touche une question sensible en sachant par avance qu’il va être démenti, voire poursuivi pour fausses déclarations. Les observateurs penchent plutôt pour une hypothèse plus plausible : Me Ksentini a sans doute cru bien faire en rendant publique la volonté du président Bouteflika (ou de son entourage) de briguer un 5ème mandat mais sa déclaration a été jugée par certains décideurs comme étant prématurée. Comme il arrive souvent dans pareilles circonstances, Me Ksentini a été sacrifié. Il devait participer à une émission avec la chaîne de télévision El Bilad mais il a préféré éteindre son téléphone et ne répond plus aux appels des journalistes.

Sur le fond, les observateurs estiment que les cercles dirigeants au sommet de l’Etat n’ont toujours pas tranché la question du 5ème mandat mais cette éventualité n’aurait rien de surprenant si, d’ici 2019, le président Bouteflika est toujours en vie. Pour preuve, les observateurs citent la dernière intervention d’Ahmed Ouyahia sur El Bilad TV dans laquelle il dit qu’il soutiendra « certainement » Abdelaziz Bouteflika si ce dernier se présente à un 5e mandat en 2019, car les quatre premiers quinquennats n’ont apporté que du « bien » et de la « prospérité » à l’Algérie. « C‘est vrai qu’Abdelaziz Bouteflika est malade et qu’il n’a plus la même force qu’en 2000, mais il gère le pays » déclare Ahmed Ouyahia. La dernière sortie médiatique du chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée, Ahmed Gaid Salah,  dans laquelle il a déclaré que l’armée algérienne doit rester en dehors des querelles politiciennes, qui agitent le sérail, peut également être interprétée dans ce sens.