La célébration de Yennayer entre folklore et délire identitaire

Pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie, Yennayer a été célébrée cette année officiellement puisque cette journée a été décrétée une journée chômée et payée à travers l’ensemble du territoire national. Les pouvoirs publics n’ont pas hésité sur les moyens pour célébrer cette journée dans toutes les wilayas du pays.  Un grand gala rassemblant les folklores de différentes villes du pays et un programme musical festif a été animé jeudi soir à Alger en célébration de Yennayer 2968 par plusieurs associations culturelles. Organisé par le ministère de la jeunesse et des sports à la Coupole du complexe olympique Mohamed-Boudiaf, ce gala marque les premières célébrations du nouvel an amazigh après sa réhabilitation et sa consécration fête nationale. Seize troupes folkloriques et musicales en provenances de villes comme Tizi Ouzou, Bouira, Ghardaïa, Guelma, Khenchela, Oran, Tlemcen ou encore Sidi Bel-Abbès se sont succédées sur a scène de la Coupole.

Pour la première fois cette année, et avec le concours de plusieurs départements gouvernementaux, des programmes de célébration du soi-disant nouvel an amazigh ont été élaborés sur tout le territoire national et se déroulent depuis le 6 janvier. Ces festivités sont programmées jusqu’au 19 janvier. Le pouvoir a ainsi décidé d’officialiser un rituel séculaire dont la célébration a continué à braver le temps même si elle avait tendance à disparaître dans la plupart des régions du pays. Et pour cause, Yennayer était un rituel propre aux sociétés agraires du sud méditerranéen. Avec l’évolution que connaît la société algérienne dont plus de la population vit désormais dans les villes, il était naturel qu’une pareille fête était condamnée à disparaître. Mais voilà que le mouvement berbériste s’est approprié cette fête en tentant de la faire passer pour quelque chose qui n’a jamais existé historiquement, à savoir un chimérique nouvel An berbère. Dans un souci de créer un nouveau motif de cohésion nationale et combattre les tendances régionalistes, voire séparatistes, qui semblent se développer en Kabylie, le pouvoir algérien a cru bon d’officialiser Yennayer et de généraliser l’enseignement et l’usage de tamazight.

Pour de nombreux observateurs, la fuite en avant du pouvoir algérien et sa complaisance face au délire identitaire dans lequel le mouvement berbériste est en train de plonger la société algérienne ne prémunira pas nécessairement cette dernière des risques de dissolution ou d’éclatement qui la guettent si les problèmes économiques et sociaux qui la minent ne sont pas correctement pris en charge. Si certains observateurs tentent de minimiser l’option populiste choisie par le pouvoir algérien en vue de préserver l’unité nationale, d’autres, en revanche, n’hésitent pas à tirer la sonnette d’alarme en pointant du doigt la tentative des élites francophones et kabyles de prendre le contrôle de l’Etat algérien avec la complicité des cercles néocolonialistes et sionistes.