Langue arabe: Quand le Conseil des ministres viole la Constitution

Une erreur de traduction a failli déformer complètement un paragraphe important dans le communiqué du dernier Conseil des ministres. Il s’agit plus précisément du paragraphe relatif à la mesure en vertu de laquelle les officiers de la sécurité de l’armée ont repris la qualité d’officiers de police judiciaire qu’ils avaient perdu il y a deux ans dans le sillage de la restructuration des services de sécurité. Le paragraphe en question a été traduit de manière erronée dans la version arabe puisqu’à la place de « sécurité de l’armée » (« Emn el-djeich ») il a été écrit « sécurité militaire » (« el-emn el-askari »). L’erreur risquait de fausser complètement le sens de la loi. En parlant de « sécurité militaire », on pouvait croire que la DCSA peut mener des investigations en dehors de l’armée, ce qui n’est pas le cas.

Le gouvernement a été obligé de rendre public un rectificatif pour lever ce malentendu et confirmer que la qualité d’officiers de police judiciaire conférée aux officiers de la DCSA ne dépasse pas les limites de leur champ d’intervention militaire. La DCSA, qui travaille sous l’autorité hiérarchique directe du chef d’état-major de l’ANP, n’aura pas à s’occuper des secteurs d’activités civiles dont les problèmes de sécurité relèvent d’autres corps constitués comme la DSS, coordonnée par Athmane Tartag et rattachée directement à la présidence de la république. Il aura fallu une confusion dans l’interprétation d’un paragraphe important dans le communiqué du Conseil des ministres pour se rendre compte que l’original du communiqué était rédigé en français et non en arabe comme cela devait être le cas conformément à la Constitution qui stipule que l’arabe est la langue nationale et officielle de l’Etat algérien.

Ce n’est pas le premier indice qui montre qu’au plus haut niveau de l’Etat, la langue française est en train de se substituer progressivement à la langue arabe comme langue de travail. D’autres indices vont dans le même sens comme le fait que plusieurs ministres s’expriment régulièrement en français. Pour les observateurs, ce glissement honteux, qui n’est pas officiellement assumé, ne relève pas seulement d’une tendance à la facilité mais dénote l’existence d’une véritable tendance au sein du pouvoir en vue de ramener l’Algérie dans le giron de la francophonie avec tout ce que cela suppose comme conséquences géopolitiques, économiques et culturelles comme l’atteste notamment l’orientation idéologique de la ministre de l’éducation et de ses proches collaborateurs. Le courant francophile au sein de la bureaucratie algérienne est allié à l’occasion au courant berbériste, dont les liens avec un segment de la bourgeoisie compradore et des cercles français sont un secret de polichinelle, pour mener une guerre sournoise contre ces deux piliers de la souveraineté nationale que sont l’islam et la langue arabe.