Le peuple met l’armée devant ses responsabilités

Les manifestations impressionnantes qui ont eu lieu ce vendredi mettent le pouvoir algérien devant un dilemme terrible. Soit il répond à la volonté de changement radical  exprimée pacifiquement par le peuple algérien soit il prend la lourde responsabilité des dérapages qui pourraient se produire au risque de conduire le pays à l’inconnu. Le pouvoir est mis devant l’obligation de tirer les conclusions qui s’imposent du fait que les Algériens ont clairement montré qu’ils ne se satisfont plus des promesses du régime mais exigent la fin de ce dernier et le départ des anciennes figures discréditées. Mais que se passera-t-il si le pouvoir reste accroché à sa « feuille de route » ? La seule chose qui semble donner encore un peu d’espoir à ce pouvoir condamné définitivement par le peuple est le soutien dont il continue de bénéficier de la part de la France.  Mais les observateurs sont unanimes pour dire que la France ne pourra pas continuer à soutenir le régime indéfiniment.

Le président Macron vient de mettre la pression sur ses alliés au pouvoir à Alger (le clan Bouteflika allié à l’occasion au chef des services de sécurité Bachir Tartag) en les appelant à régler au plus vite la crise. Sous-entendu, la France pourrait vite abandonner ses alliés si la crise perdurait au point de mettre en cause ses intérêts et peut-être sa sécurité. Dans cette situation dramatique, l’attention des observateurs se dirige vers la seule force capable de mettre fin au calvaire des Algériens, à savoir l’armée algérienne. Le commandement de l’ANP s’est montré jusqu’à présent prudent, voire trop prudent au point que sa position risque d’apparaître de plus en plus comme un soutien aux magouilles du clan présidentiel alors que des sources officieuses indiquent que les chefs de l’armée ne sont pas du tout d’accord avec la prolongation du quatrième mandat du président Bouteflika dans la mesure où elle constitue une entorse grave à la Constitution algérienne qui ne prévoit pas une telle prolongation, en tout cas pas dans ces conditions.

Jusqu’ici, le commandement de l’ANP s’est gardé d’ intervenir directement dans le processus de règlement de la crise qui a donné lieu à une « feuille de route » complètement en décalage avec les attentes populaires et ce, pour éviter de donner des prétextes à l’ingérence des puissances étrangères qui se méfient de l’armée algérienne en raison de ses positions souverainistes. Ce n’est pas un hasard si des sites et des chaînes YouTube animés par les services français et marocains cherchent ces derniers jours à discréditer le chef d’état-major de l’ANP au moyen de campagnes de désinformation plus ou moins soft relayées malheureusement par des pseudo-opposants algériens irresponsables. Mais si la crise devait durer et s’aggraver, le commandement de l’ANP saura prendre ses responsabilités, assurent certains observateurs, surtout qu’il n’est pas dit que la France elle-même ne finira pas par lâcher le clan Bouteflika et se ranger à l’idée que seule l’armée algérienne est capable d’éviter à l’Algérie la menace d’un chaos qui risque de n’épargner aucun pays de la région.

Mohamed Merabet