Les Etats-Unis ne croient plus à une solution militaire en Libye

L’envoyé spécial américain pour la Libye, Jonathan Winer, s’est montré sceptique quant à une solution militaire à la crise libyenne. »Nous ne voyons aucune solution aux divisions politiques » en Libye par la force, a déclaré Winer lors de son audition au Congrès sur la situation sécuritaire en Libye. « Un progrès durable ne sera possible que si les Libyens surmontent leurs différends politiques », a-t-il dit en ajoutant qu’à court terme, « une médiation intensive pour faire avancer le processus politique sera déterminante ». Le diplomate américain a reconnu que les institutions post-Kadafi n’ont pas réussi à « fournir suffisamment de stabilité et d’opportunités au peuple libyen », mais a affirmé que les victoires contre l’organisation terroriste autoproclamée Etat Islamique (Daech/EI) était « réelles » à Syrte grâce au soutien militaire des Etats-Unis qui ont mené jusqu’ici 450 frappes aériennes coordonnées avec les pays alliés. Pour autant il a estimé que « la lutte contre le terrorisme sur terrain restait complexe et loin d’être terminée ». « Les cellules de Daech qui ont survécu aux frappes américaines peuvent rebondir et constituer une menace pour la Libye et les pays voisins. Elles peuvent être tentées de se redéployer dans la région », a-t-il avancé.

En expliquant la vision américaine sur la future armée libyenne, Winer a expliqué qu’elle doit intégrer les militaires qui faisaient partie de l’armée régulière d’El-Gueddafi qui comprenait un large éventail de soldats qualifiés. A Tripoli, le gouvernement d’union nationale (GNA) doit s’appuyer sur une force militaire professionnelle et fiable qui doit se substituer au « Patchwork des milices » qui assurent actuellement la sécurité dans la ville. L’étape suivante consiste à construire la garde présidentielle sous le commandement du général Nakua, a-t-il dit. En appui aux efforts de stabilisation de la Libye, l’administration américaine a sollicité le Congrès pour une rallonge budgétaire de 148 millions de dollars au titre du budget 2017, destinée à faire face aux besoins sécuritaires dans des zones de lutte clé comme Syrte. Sur le plan politique, l’envoyé spécial américain, a indiqué que son pays devrait soutenir une période de transition en Libye en aidant les Libyens à établir un calendrier pour la tenue d’un référendum sur la constitution et l’organisation des élections législatives en 2017.

L’audition de Jonathan Winer par le Congrès américain intervient, alors que des voix aux Etats-Unis s’élèvent pour contester l’intervention militaire de 2011. Fin octobre, l’ancien directeur Afrique du Nord au Conseil de sécurité nationale (NSC), Benjamin Fishman, a révélé au Congrès que le président Obama avait opté pour une intervention de l’Otan malgré la réticence manifeste du vice-président Joe Biden et de l’ancien secrétaire à la défense, Robert Gates. Fishman a indiqué que l’ancien chef du Pentagone avait soutenu que la Libye représentait un intérêt minime pour la politique américaine dans la région et qu’il était difficile d’ouvrir un troisième front de lutte contre le terrorisme en plus de ceux de l’Irak et de l’Afghanistan. Les conséquences de l’intervention militaire ont été désastreuses pour la Libye de l’aveu même du président Obama qui l’avait qualifiée de « pire erreur de sa présidence » (APS)