Les observateurs restent mitigés sur la visite de Macron en Algérie

La visite du président français Emmanuel Macron en Algérie n’aura pas servi à grand-chose. Annoncée avec grand fracas par les médias, la visite a permis aux dirigeants des deux pays d’avoir des échanges cordiaux sur les sujets ayant trait à la coopération bilatérale et à la sécurité régionale mais sans déboucher sur aucun accord sérieux. Les dossiers relatifs au partenariat économique qui ont été déjà ficelés comme les projets de Peugeot et Schneider vont sans doute aller jusqu’au bout mais pour le reste les deux parties se sont contentées de déclarations de principes qui n’engagent à rien de concret. Les gestes attendus du côté algérien en rapport avec la mémoire n’ont pas été au rendez-vous. Le président Macron n’a pas présenté les excuses de la France pour ses crimes coloniaux. Il s’est contenté d’affirmer qu’il assume le passé de la France coloniale mais sans être otage de ce passé sous prétexte de regarder l’avenir. Pire, en osant poser sur la table la question du retour des harkis, Macron a donné l’impression qu’il faisait du chantage aux autorités algériennes qui ne ratent pas une occasion pour réclamer un adoucissement des conditions relatives à la circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée.

En ce qui concerne le dossier relatif à la situation sécuritaire dans la région sahélo-saharienne, les deux parties se sont contentées de rappeler leur commune volonté de combattre la menace terroriste et d’aider le gouvernement malien à mettre en œuvre le plan de paix sans entrer dans les détails qui dérangent. Pour les observateurs, les résultats mitigés de la visite de Macron étaient attendus dans la mesure où sur tous les dossiers essentiels, les positions des deux parties restent éloignées. Sur le plan économique, même si les entreprises françaises semblent avoir compris l’intérêt d’investir en Algérie, elles continuent dans leur majorité à considérer le marché algérien comme une chasse gardée et ont du mal à accepter la place prise par leurs rudes concurrents chinois. Sur le plan diplomatique, les deux pays n’arrivent pas à surmonter leurs litiges aussi bien sur la question du Sahara occidental que sur la question de l’interventionnisme français au Sahel sans parler du double jeu français en Libye.

Pour le consultant économique Smail Lalmas, le président Macron n’a rien de différent par rapport à ses prédécesseurs. Il continue de mener une politique néocoloniale qui considère les pays africains et notamment l’Algérie comme un simple marché. Pour lui, cela n’a rien d’étonnant. Macron défend les intérêts de son pays. C’est aux dirigeants algériens qu’il revient d’élaborer une politique économique qui mette au centre le développement de l’Algérie en mobilisant notamment les compétences algériennes. Dans le même ordre d’idées, Mohamed Tahar Bensaada, de l’Institut Frantz Fanon, a estimé dans sa dernière chronique consacrée à la visite de Macron en Algérie que «  A considérer les facteurs sociologiques qui déterminent le mode d’insertion de la bourgeoisie et de la bureaucratie algériennes dans la division régionale et internationale du travail, fondé sur l’économie rentière, et qui expliquent pour partie le complexe d’infériorité et l’hypocrisie qui habitent une grande partie des élites qui gouvernent actuellement l’Algérie, la refondation des relations algéro-françaises n’est pas pour aujourd’hui »