Ramtane Lamamra est-il l’homme des Kouninef ?

Les décideurs algériens continuent de donner l’impression qu’ils n’ont rien appris des derniers évènements qui secouent le pays et qui montrent que les citoyens en ont assez des manœuvres de diversion. Les citoyens qui ont suivi les sorties médiatiques du nouveau premier ministre, Nourredine Bedoui et du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, durant ces derniers jours, ne peuvent s’empêcher d’avoir l’impression que M. Bedoui a l’air perdu et que c’est M. Lamamra qui est le véritable chef d’orchestre. Les observateurs sont unanimes pour écarter l’explication en termes de compétences. M. Bedoui est issu de l’Ecole nationale d’Administration et il est passé par de nombreuses fonctions jusqu’à celles de wali et de ministre. Ses compétences en matière de communication tant en arabe qu’en français sont de loin meilleures que celles de ses prédécesseurs.

Pour les observateurs, l’explication tient ailleurs. Le choix de M. Bedoui s’est imposé parce qu’il rencontrait le consensus de tous les décideurs. Si M. Lamamra a été nommé à son poste actuel, ce n’est pas seulement en raison de sa proximité supposée avec les capitales occidentales. Ce serait surtout en raison de sa complicité avec les affairistes qui gravitent autour du clan présidentiel. En effet, le chroniqueur, Saad Bouakba, connu pour ses entrées au sein du pouvoir, vient de révéler que c’est l’homme d’affaires Reda Kouninef qui a convaincu les Bouteflika de nommer M. Lamamra. Pour rappel, les Kouninef ont constitué leur fortune durant la décennie noire  quand ils ont bénéficié -au même titre que leur rival actuel Issad Rebrab- d’un prêt octroyé par la Banque mondiale de près de 100 millions de dollars. L’arrivée au pouvoir de Bouteflika, un proche de la famille Kouninef, ne pouvait que favoriser l’ascension de ce clan vorace.

Dans un scénario diabolique, le clan des « hommes d’affaires » qui est en train de pousser le clan Bouteflika à donner un sursis au régime le temps de préparer sa relève, a déjà choisi sa tactique : dissoudre l’APN et sacrifier ceux de ses membres les plus corrompus pour les jeter en pâture à l’opinion publique et faire ainsi oublier leurs propres forfaitures avant de proposer aux Algériens la candidature de M. Lamamra que la propagande des médias à la solde de la mafia politico-financière cherche à présenter comme une « personnalité au-dessus de tout soupçon ». Les marches impressionnantes de ce vendredi constituent une réponse cinglante aux cercles internes et externes qui ont parié sur M. Lamamra. Ce dernier est tout simplement en train de perdre son crédit, y compris chez lui, dans son fief de petite Kabylie, où les manifestants ont exprimé leur déception de le voir accepter son nouveau poste après l’humiliation que lui a fait subir le président Bouteflika.

Mustapha Senhadji