Le chef d’état-major de l’ANP a-t-il été victime d’une tentative d’éviction ?
C’est un véritable pavé dans la marre que Mondafrique, un site français généralement bien informé sur ce qui se passe en Algérie, a jeté récemment dans son édition du 27 novembre. Selon le site, le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, serait sorti vainqueur d’un bras de fer avec le clan présidentiel représenté par le frère et « conseiller » du président, Saïd Bouteflika. Le site français relate ainsi les derniers évènements. « Le samedi 24 novembre, un blogueur algérien du nom d’Alsaid Bensedira annonce que le président Bouteflika a décidé de renvoyer « dans les heures à venir » Gaïd Salah. Ce propagandiste qui fut très lié à l’ancien DRS (services algériens), avant de rallier le RND, le mouvement créé par l’actuel Premier ministre Ahmed Ouyahia, est aujourd’hui basé à Londres et généralement fort bien renseigné par ses anciens amis. Sauf que, cette fois, le bougre est allé un peu vite en besogne. La réalité telle qu’elle est décrite à « Mondafrique » par des sources fiables à Paris et à Alger, est bien différente. Dans la matinée de samedi 24 novembre, le frère du Président, accompagné du Premier ministre, a fait savoir à Gaïd Salah que le chef de l’Etat souhaitait son départ. Durant la semaine qui a précédé cette rencontre, les deux clans n’ont pas réussi en effet à composer. La Présidence a proposé des fonctions de ministre de la Défense et une hypothétique promotion au poste de vice président à Gaïd Salah. Lequel a mis deux conditions à son éventuelle nomination: conserver son titre actuel de chef d’état major, pour ne pas se couper de sa base militaire, et voir le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, écarté du gouvernement »
Les deux parties ne seraient pas arrivées à s’entendre. Said Bouteflika aurait informé Gaïd Salah du désir du président de le voir quitter son poste. Gaïd Salah aurait refusé de se plier à cette instruction. « Face à l’oukase de Said Bouteflika et Ahmed Ouyahia, la réaction du chef d’état major fut immédiate. « Je ne démissionnerai que si le Président en personne me le demande ». Et Gaïd Salah de gagner, dans la foulée, le Palais de Zéralda, où réside en permanence un Abdelaziz Bouteflika à bout de forces.Sur place, quelques échanges assez vifs eurent lieu entre les hommes de Gaïd Salah et les patrons de la garde présidentielle, mais heureusement sans des coups de feu qui auraient provoqué un embrasement général. Dans ces conditions qui montrent l’état de tension extrême qui règne à Alger, le chef d’état major a pu rencontrer Abdelaziz Bouteflika. Lequel, dans le grand état de faiblesse qui est le sien, lui a assuré qu’il n’avait jamais donné l’ordre de le renvoyer. Depuis la nomination de Gaïd Salah voici quatorze ans, les deux hommes ont appris à cohabiter loyalement et s’apprécient. »
La conclusion que tire Nicolas Beau de ce évènement fait froid au dos. « Ces ultimes rebondissements politiques confirment plusieurs hypothèses, guère réjouissantes, sur la situation algérienne. Une poignée d’hommes, dont Saïd Bouteflika, Ahmed Ouyahia et les principaux oligarques, profitent du vide du pouvoir et de leur proximité physique avec le Président malade pour imposer leurs vues et prêter à un homme épuisé et privé de parole des intentions qui ne sont pas les siennes. Ce qui est politiquement inadmissible, sinon moralement coupable. Deuxième certitude, la possibilité d’un accord à l’amiable entre les clans qui s’opposent parait de plus en plus improbable. On voit difficilement comment l’élection présidentielle prévue pour avril 2019 pourrait se tenir dans des conditions sereines. Un possible état de transition, type le HCE en 1992 après la destitution de l’ex président Chadli par l’armée, parait une hypothèse pertinente »
Le journaliste français finit son article en s’interrogeant sur le rôle joué par la France dans la crise politique et institutionnelle que traverse actuellement l’Algérie et met en exergue l’ingérence du gouvernement français qui soutient carrément le clan présidentiel représenté par Saïd Bouteflika, allié en la circonstance à Ahmed Ouyahia contre l’armée algérienne. « Enfin on peut s’interroger sur le rôle de la France dans les luttes actuelles de pouvoir. Une certitude, le général Gaïd Salah qui a généralisé l’usage de l’arabe dans l’armée et préféré acheter des armes à Moscou plutôt qu’à Paris, n’a guère la cote chez les Français. Ce nationaliste ombrageux ne cherche d’ailleurs pas à améliorer son image chez l’ancien colonisateur. En revanche, Ahmed Ouyahia aurait reçu à Paris, sinon un soutien franc et massif, du moins quelques encouragements, y compris dernièrement lorsqu’il a participé, le 11 novembre, à la cérémonie organisée par Emmanuel Macron pour le centième anniversaire de la fin de la guerre de 1914-18. Le discours que le Premier ministre algérien a prononcé à cette occasion a été considéré chez beaucoup à Alger comme un signe d’allégeance à la France. Le maintien ou l’éviction du chef du gouvernement dans les semaines qui viennent sera un test probant de l’état du rapport de force et sur l’influence du « Hibz França », « le parti de la France », dans l’Algérie d’aujourd’hui. »