Décès du Professeur Jean-Paul Grangaud, un des pionniers de la santé publique en Algérie

Le Professeur Jean-Paul Grangaud, un des pionniers de la santé publique et de la vaccination infantile en Algérie, est décédé à Alger à l’âge de 99 ans. Plusieurs professionnels du secteur de la santé ont tenu à lui rendre un hommage mérité. Pour le Professeur Noureddine Zidouni, pneumologue et ex-directeur de l’Institut national de santé publique (INSP), le Pr. Grangaud était « un des pionniers » de la pédiatrie en Algérie. « On lui doit énormément sa contribution dans la lutte contre les maladies infectieuses de l’enfant. Il est le principal moteur du programme sanitaire chez l’enfant à travers la lutte contre les diarrhées aigues et les maladies respiratoires chez cette frange de la société », a-t-il témoigné, se rappelant même que feu Grangaud « n’a jamais quitté l’Algérie, même pendant sa période la plus difficile », durant la décennie noire des années 1990, marquée par le terrorisme aveugle. « Quand il était directeur de la prévention au ministère de la Santé et moi directeur de l’Institut national de santé publique à l’époque, on a fait beaucoup d’actions d’envergure pour améliorer les programmes nationaux de santé publique », se rappelle, le menton haut, Pr Zidouni, qui dit perdre en la personne de Grangaud un « maître » de la spécialité. « Il était proche du Professeur Pierre Chaulet, un autre professionnel de la santé et militant de la première heure au sein du FLN, lors de la guerre de libération nationale. Ils ont travaillé ensemble et avaient l’Algérie chevillée au cœur », témoigne encore Pr. Zidouni.

Aux yeux du Pr. Messaoud Zitouni, chargé du suivi et de l’évaluation du Plan Cancer en Algérie, le Professeur Grangaud était un « Grand Homme » qui a « fait beaucoup » pour la santé publique, surtout en matière de pédiatrie et de vaccination. « C’était un grand patriote qui n’a jamais accepté de quitter l’Algérie. Il insistait pour qu’il soit inhumé en Algérie, pays qu’il a toujours considéré comme sa patrie sacrée », confie Pr. Zitouni. Pour lui, feu Grangaud était une « véritable passerelle » entre les différentes civilisations (le défunt était franco-algérien). Il a représenté l’Algérie dans plusieurs missions médicales en Afrique où il a laissé un bonne impression et de très bons souvenirs », se rappelle-t-il, rapportant que lors de la présentation, dans les années 70 du siècle dernier, du dossier de vaccination en Afrique du Sud par le Pr. Grangaud, les responsables de l’OMS désignaient, pour le décrire, « un Algérien aux yeux bleus qui ne maitrisait pas la langue arabe ». « Il a organisé la pédiatrie en Algérie et le calendrier de vaccination. Il était très franc, mais ne parlait pas beaucoup. Il a inculqué la morale à ses étudiants, était humain et universaliste », confie encore le Pr. Zitouni, soulignant la « bonhomie » du défunt. « Il recevait tout le monde de la même manière. Certains des malades qu’il a soignés à l’intérieur du pays et qu’il a hébergés chez lui, continuaient à venir lui rendre visite après sa retraite », se rappelle-t-il.

L’infectiologue et ministre délégué à la Réforme hospitalière, Ismail Mesbah, évoque, lui aussi, une personne avec qui il a exercé pendant plusieurs années et qui a « consacré toute sa vie au seul service de l’Algérie ». « Il n’a jamais cessé de servir notre pays, non seulement pendant son combat libérateur, mais également dans son combat contre la maladie, passant de la lutte contre les maladies infantiles qui sont en voie d’être vaincues, à la lutte contre le cancer dont il a été un acteur clef du premier Plan national en la matière », souligne-t-il, rappelant que le défunt avait participé avec « abnégation » à la formation de milliers de médecins en s’attachant particulièrement à être un « défenseur acharné » de la santé de l’enfant en Algérie. Le Professeur en pédiatrie Abdelatif Bensenouci témoigne, pour sa part, que feu Grangaud était parmi « très peu » de pédiatres qui exerçaient ce noble métier à l’époque (post-indépendance). « Son riche cheminement professionnel de l’hôpital El-Kettar (actuellement El Hadi Flici) à celui de Beni-Messous en passant par celui de Parnet (actuellement Nefissa Hamoud) lui a permis de côtoyer d’imminents professeurs à l’image des Mazouni, Bakouri et du docteur Cherni, de nationalité tchèque », se rappelle Pr. Bensenouci pour qui une des nobles missions assignées à feu Grangaud consistait aussi à lancer les activités de la prévention et de la recherche dans l’enseignement au niveau des hôpitaux. Dans une réaction à chaud au décès, mardi, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abderrahmane Benbouzid, évoquait « un des grands praticiens de la santé qui ont voué leur vie à l’Algérie ». Rappelant le soutien du défunt à la guerre de libération nationale et de l’indépendance de l’Algérie, M. Benbouzid a souligné « l’apport considérable » du Pr Jean-Paul Grangaud au développement du système de santé national par ses travaux et actions dans le domaine de la médecine. « Ses étudiants n’oublieront jamais tout ce qu’il leur dispensait comme cours et expertises scientifiques », a ajouté le ministre qui a relevé également que « son souvenir restera gravé dans toutes les régions et wilayas de l’Algérie qu’il a eu à visiter dans le cadre des activités de prévention, notamment en matière de pédiatrie » (APS)