La Journée du 20 août entre célébration et polémiques

Comme chaque année, la célébration de la Journée historique du 20 août donne lieu à des polémiques au sujet de l’histoire de la Révolution algérienne. En effet, la Journée du 20 août est l’occasion de célébrer deux dates chargées symboliquement. La première se réfère au soulèvement populaire du 20 août 1955 dans le Nord Constantinois sous la conduite du colonel Zighout Youcef. La seconde se rapporte au Congrès de la Soummam organisé par les dirigeants des wilayas III et IV sous la direction de Abane Ramdane. Dans un élan réconciliateur assez compréhensible, l’Etat algérien a toujours tenté de célébrer les deux dates en même temps en revendiquant les acquis des deux évènements.

Cette année, le président Tebboune n’a pas dérogé à la règle. Dans un message adressé à la nation ce jeudi 20 août, il a rappelé :  » La Journée nationale du Moudjahid, qui coïncide avec le 1er jour de l’année de l’Hégire, qu’Allah le renouvelle pour nous tous et pour la Oumma musulmane, dans le bien-être et la bénédiction, est pour nous l’opportunité de célébrer deux stations marquantes de notre glorieuse Guerre de libération. Il s’agit de l’offensive du Nord constantinois, menée le 20 août 1956 par l’Armée de Libération Nationale (ALN) sous la conduite de Chahid Zighoud Youcef, et le Congrès de la Soummam, tenu à la même date de l’année suivante, en présence de l’élite des dirigeants de la Révolution armée. Si le premier évènement a scellé la fusion entre les Moudjahidine et le peuple, jusqu’à la victoire, et conféré à leur lutte une dimension maghrebine, dictée par le devoir de solidarité avec le peuple marocain frère, qui réclamé le retour de l’exil du Roi Mohamed V, le second a consolidé cet acquis historique à travers une meilleure organisation de la lutte armée, qui a donné un nouveau souffle à l’ALN pour atteindre l’objectif de l’indépendance et du recouvrement de la souveraineté nationale. »

La recherche du consensus qu’on peut déceler dans le discours du président de la république n’a pas réussi à faire taire les polémiques qui surgissent à chaque célébration de la Journée du 20 août. En effet, pour de nombreux militants, le Congrès de la Soummam n’est pas ce qu’on prétend officiellement, à savoir une étape supérieure dans « l’organisation des rangs de la Révolution ». Des voix s’élèvent pour affirmer que le Congrès de la Soummam fut un véritable coup d’Etat contre les principes de la Déclaration du 1er Novembre 1954 et une tentative de prise du pouvoir par un clan assoiffé de pouvoir dirigé par Abane Ramdane. Un coup d’Etat au relents régionalistes évidents quand on sait que le Congrès a sciemment écarté les dirigeants de la wilaya I dont certains seront liquidés par la suite. Le débat sur le congrès de la Soummam est loin d’être un débat exclusivement historique. C’est un débat politiquement chargé qui cache des enjeux de pouvoir toujours actuels. Le Congrès de la Soummam, dont la charte a été rédigée par d’anciens cadres du PCA (parti communiste algérien), serait devenu, aux yeux de nombreux patriotes algériens qui se proclament « novembristes », le mot de passe des laïco-berbéristes qui veulent imposer une « république démocratique et sociale laïque » sous hégémonie des élites francophones dont l’influence au sein des appareils de l’Etat algérien est régulièrement décriée. Si dans les médias publics et privés, le sujet est toujours tabou, sur les réseaux sociaux, des jeunes de plus en plus décomplexés n’hésitent plus à dénoncer l’influence néfaste des minorités culturelles et idéologiques  qui prennent en otage l’Etat algérien et s’opposent à tout véritable changement démocratique.

Mohamed Merabet