L’appel à la grève suivi dans les wilayas de Béjaïa et Tizi Ouzou
Si l’appel à la grève a lamentablement échoué dans la capitale, malheureusement, il n’en a pas été de même en Kabylie. Dans les wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou, on peut parler d’une paralysie quasi-totale. A part les pharmacies, tous les secteurs ont été touchés même si c’est à des degrés divers : l’administration, les écoles et surtout les commerces. Dans la wilaya de Bouira, le mouvement de grève a été partiellement suivi. Comme c’était prévisible, ce sont les communes situées à l’est de la wilaya (les communes habitées essentiellement par des populations kabylophones) qui ont été touchées par la grève, dans les communes de l’ouest de la wilaya, les citoyens n’ont pas suivi le mouvement de grève.
Les observateurs interrogés sont unanimes à relever le fait curieux et dangereux qu’un appel à la grève anonyme sur Facebook soit suivi avec une telle discipline dans trois wilayas de Kabylie, ce qui démontre une véritable cassure au sein du pays qui mérite une attention particulière de la part des autorités. Pour les observateurs, on ne peut pas expliquer ce mouvement de grève, qui exprime une profonde défiance de toute une région à l’égard de l’Etat algérien, par des raisons sociales ou politiques, dans la mesure où les déficits sociaux et démocratiques pointés du doigt sont les mêmes dans l’ensemble du pays et sont ressentis de la même manière par la plupart des Algériens. Le problème de la Kabylie se situe donc ailleurs. La défiance de la population kabyle à l’égard de l’Etat algérien sur laquelle surfent les différents courants berbéristes (des régionalistes aux séparatistes) est plus profonde et devrait être traitée sérieusement dans le cadre d’une réforme profonde de la structure de l’Etat algérien.
En tout état de cause, suite à ce mouvement de grève qui a paralysé la Kabylie, les observateurs s’attendent à un boycott massif de l’élection présidentielle en Kabylie le 12 décembre prochain, ce qui ne changera rien à la donne politique sur l’ensemble du territoire national. Mais ce fait risque de pousser les dirigeants algériens, à commencer par le nouveau président élu, à concéder encore plus de concessions à la Kabylie et aux élites issues de cette région qui monopolisent déjà une grande part des postes au sein de l’Administration et des entreprises publiques. Cette politique qui a été suivie par tous les régimes algériens qui se sont succédés depuis l’indépendance, au nom de la préservation de l’ unité nationale, a donné les résultats qu’on connaît : des élites kabyles qui crachent dans la soupe, des élites ingrates et arrogantes et qui n’hésitent pas à faire appel à l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de l’Algérie.
Mohamed Merabet