L’assassinat de Samir Kantar par Israël n’a pas livré tous ses secrets

Une semaine après l’assassinat du dirigeant du Hezbollah, Samir Kantar dans un faubourg de Damas, des zones d’ombre continuent d’entourer l’opération militaire qui a coûté la vie à ce dirigeant qui était sur la liste rouge des services israéliens depuis plusieurs années. Profitant du fait que le gouvernement israélien ne reconnaît généralement jamais sa responsabilité dans ce genre d’opérations spéciales, les médias du régime syrien ont cherché au début à imputer l’opération à l’opposition armée syrienne pour ne pas avoir à s’expliquer sur l’incapacité du régime syrien à prévenir ni à réagir contre de telles opérations qui violent sa souveraineté nationale. Mais très vite, des médias arabes et israéliens ont donné des détails impliquant l’armée israélienne dans cette opération. Même le Hezbollah a reconnu par la bouche de son leader, Hassan Nasrallah, la responsabilité israélienne dans l’élimination d’une de ses figures les plus médiatisées.

Des spécialistes israéliens dans les questions militaires et sécuritaires ont révélé des éléments permettant de lever quelques zones d’ombre entourant cette opération.  Sans rompre le secret concernant les éléments techniques ayant conduit au succès de l’opération, Zvi Magen, ancien ambassadeur en Russie et en Ukraine et actuellement chercheur à l’Institut d’Etudes sur la Sécurité Nationale (INSS), a déclaré : « Je ne sais pas quelle est la méthode employée. Mais il y a quatre options fondamentales : une frappe de l’aviation israélienne, qui n’est même pas si risquée qu’on le prétend, étant donnée la proximité de Damas ; une frappe de drone ; des missiles sol-sol, ou une unité des forces spéciales sur le terrain [à l’intérieur du territoire syrien] ». L’expert israélien continue : « Parfois, les armées démontrent intentionnellement leur avance technologique et leurs compétences à recueillir des renseignements pour marquer des objectifs de dissuasion – qui rendent certaines opérations plus stratégiques que purement techniques – et afin de démontrer leur détermination face à l’ennemi »

Si l’expert israélien a choisi volontairement de laisser un certain flou sur l’opération qui a coûté la vie à Samir Kantar, le quotidien libanais As-Safir  a été plus précis. Selon ce quotidien réputé proche du Hezbollah et du régime syrien, deux chasseurs-bombardiers F-15 israéliens ont décollé de la base aérienne d’Hatzerim près de Beer Sheva en volant vers la Mer De Galilée, à 90 kms de la cible, d’où ils ont tiré quatre missiles SPICE-2000. Après l’attaque, les équipes de recherche et de secours syriennes auraient retrouvé des éclats de ce type de missiles, créés par les Systèmes de Défense avancés Rafael. Cette opération ne révèle pas seulement les capacités technologiques impressionnantes dont dispose l’armée israélienne. Cette dernière n’aurait pas pu mener avec succès une telle opération sans des renseignements précieux qu’elle aurait acquis au moyen de l’infiltration des services syriens et du Hezbollah même si on ne doit pas exclure la collaboration directe d’un des groupes de la rébellion syrienne.

Reste l’élément le plus important dans cette affaire. L’armée de l’air israélienne aurait-elle pu conduire ce raid sans la complicité au moins tacite de la Russie ? On sait que l’espace aérien syrien est une passoire pour l’armée de l’air israélienne comme en témoignent les nombreux raids effectués ces dernières années contre des convois de missiles à destination du Hezbollah dans la banlieue de Damas. Mais depuis l’intervention militaire russe et le déploiement des S300 en Syrie, la donne aurait du changer. Le dernier raid de l’armée de l’air israélienne montre qu’il n’en est rien à moins que la Russie n’ait donné son autorisation au survol de l’espace aérien syrien par les F15 israéliens. C’est ce que semble corroborer l’expert israélien : « Israël s’est engagé dans une coopération tactique avec la Russie, afin de coordonner certains types d’actions, comme une façon d’éviter des erreurs militaires non-intentionnelles. Mais Israël ne va, plus probablement, pas informer la Russie des cibles qu’il a l’intention de frapper. Et Israël fera certainement comprendre clairement à la Russie qu’il a ses propres intérêts sur lesquels il ne cèdera pas. Son message à la Russie est le suivant : « Si nous voulons frapper une cible, personne ne peut ni ne doit nous empêcher de faire ce que nous avons à faire ».