Que faut-il penser de la nomination du Général M’henna Djebbar à la tête du renseignement extérieur algérien ?

Le Général d’Armée, Saïd Chanegriha, Chef d’Etat-Major de l’Armée nationale populaire (ANP), a présidé, samedi, l’installation officielle du Général-Major M’henna Djebbar dans les fonctions de directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure, indique un communiqué du ministère de la Défense nationale.

Les différents services de sécurité algériens ont connu ces deux dernières années une grande instabilité marquée notamment par un turn-over inquiétant au sommet de leurs appareils respectifs sans qu’on ne sache les raisons véritables de ces changements qui, en l’absence d’une communication officielle digne de ce nom, alimentent de campagnes régulières de désinformation qui visent, au-delà de ces institutions névralgiques, à porter atteinte à la stabilité de l’Algérie. C’est ainsi que l’ex-Directeur général de la Documentation et de la sécurité extérieure, le Général-major Abdelghani Rachedi, qui a été nommé à cette fonction le 18 juillet dernier, n’est même pas resté à son poste plus de six semaines. Il était auparavant directeur général de la Sécurité intérieure avant d’être remplacé par le général-major Djamel Kehal qui a dirigé avant cela la Documentation et la sécurité extérieure durant quelques semaines ! La nomination d’un ancien général de l’ex-DRS qui a dirigé durant de longues années, de 1995 à 2013 la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) et qui était pressenti pour remplacer l’ancien patron de l’ex-DRS, le général de corps d’armée Mohamed Mediène, peut être interprété comme un gage de sérieux et de rigueur. Le fait que cette nomination arrive à un moment où ce service connaît une grave crise interne, dans laquelle se trouvent mêlés quelques officiers supérieurs indélicats, suspectés d’avoir instrumentalisé le service à des fins claniques et personnelles, peut laisser penser que le nouveau patron du service a été chargé de remettre de l’ordre en son sein pour pouvoir s’atteler aux missions qui sont la siennes dans le cadre de la protection de la sécurité extérieure de l’Algérie.

Cependant, la nomination du général M’henna Djebbar à la tête du renseignement extérieur une semaine après la visite du président français en Algérie ne manque pas de susciter les interrogations des observateurs. Même s’il faut se méfier des tentatives de désinformation émanant de certains sites connus pour leur proximité avec la communauté du renseignement marocain et français comme Maghreb Intelligence, la lecture de ce genre de passages fait froid au dos :  » Homme de réseau et jouissant d’un impressionnant carnet d’adresses en France, M’henna Djebbar est le général algérien qui connaît le mieux les services secrets français. Il connaît Bernard Emié, l’actuel patron de la DGSE, les services secrets français, il avait connu également Bernard Bajolet, l’ex-patron de la DGSE de 2013 jusqu’à 2017, et de nombreux autres puissants patrons des services français comme Bernard Squarcini ». Jusqu’ici, rien de bien grave. Mais le site en question continue avec des « révélations » moins plaisantes :  » Francophone et francophile, M’henna Djebbar connaît parfaitement les rouages des services de sécurité français et dispose de relais puissants au plus haut sommet de l’Etat français. Très apprécié en France pour son écoute et sa collaboration fructueuse avec les autorités françaises sur de nombreux dossiers, M’henna Djebbar a fait plusieurs voyages en France depuis le début de cette année 2022 pour rencontrer Bernard Emié et des conseillers de l’Elysée afin de lancer le processus de négociations avec les autorités françaises concernant un retour à la normale dans la coopération entre les deux pays. De nombreux malentendus suscitant des tensions entre Paris et Alger ont été étudiés par Bernard Emié et M’henna Djebbar avec pour résultat l’aboutissement à l’organisation en grande pompe de la visite de Macron à Alger et Oran du 25 au 27 août dernier« 

Au-delà de ces « révélations » qu’il faut prendre avec beaucoup de précautions, il y a une autre question qui laisse perplexes les observateurs. D’ordinaire, il faut un minimum de six mois au nouveau patron d’un service de renseignement pour se familiariser avec les dossiers sensibles qui touchent directement ou indirectement la sécurité extérieure du pays. Qu’en sera-t-il dans le cas d’un général qui a fait toute sa carrière à l’intérieur du pays, d’abord dans la lutte contre le terrorisme durant la décennie 90 et ensuite à la tête de la sécurité de l’armée entre 1995 et 2013 ? A-t-il vraiment toutes les compétences nécessaires pour ne pas se faire phagocyter par ses interlocuteurs français autrement mieux formés et informés ? Saura-t-il s’entourer d’officiers compétents pour accomplir sa nouvelle mission, loin des pratiques clientélistes et régionalistes qui ont fait tant de mal à cette institution qui fut naguère un école de professionnalisme et de patriotisme ? Les prochains mois nous renseigneront davantage mais à un moment où les campagnes d’intoxication visant l’Algérie vont se multiplier, il est important de rappeler que si les hommes appelés à exercer des fonctions officielles ne sont pas éternels, l’Etat algérien et ses institutions doivent rester au-dessus des contingences politiques dans la mesure où il y va de la survie de l’Algérie, nation et société.

Mohamed Merabet