Les premières réactions politiques à l’appel de Gaïd Salah

L’appel du chef d’état-major de l’ANP en faveur de l’application de l’article 102 de la Constitution a été diversement accueilli par les partis d’opposition. Parmi les premiers à réagir, Ali Benflis a salué la position exprimée par le chef de l’armée mais il a estimé qu’elle reste insuffisante puisqu’il faut qu’elle soit suivie par un processus de changement consensuel qui réponde à la volonté du peuple et associe toutes les forces vives de la nation. C’est une position assez proche qui a été exprimée par Abderrazak Makri au nom du MSP. Ce dernier a pris acte de l’appel du chef de l’armée mais il a estimé que cela ne suffira pas à régler la crise. Il a appelé à la poursuite du mouvement populaire pacifique et à une transition politique consensuelle associant toutes les forces politiques et sociales. Pour le leader des Frères musulmans algériens, l’armée doit se contenter d’accompagner le processus de transition démocratique sans chercher à interférer dans les choix politiques. Au nom du Front El Mostakbal, Abdelaziz Belaïd a soutenu l’initiative du chef d’état-major de l’ANP et a considéré qu’elle peut constituer un premier pas vers le dépassement de la crise actuelle.

De son côté, le FFS a carrément dénoncé ce qu’il a appelé « un coup de force ». Pour ce parti, l’application de l’article 102 de la Constitution ne répond pas à la revendication du changement de système agitée par le mouvement populaire. C’est une position similaire qui a été exprimée par le militant des droits de l’Homme et ex-député du FFS, Mustapha Bouchachi, qui commence à se croire plus important qu’il n’est en réalité. Idem pour le RCD qui a estimé que l’application de l’article 102 constitue un contournement de la volonté populaire. L’ancien leader du RCD, Saïd Sadi, qui continue de tirer les ficelles de ce parti derrière le rideau, a qualifié l’appel de Gaïd Salah d’ « ingérence dans les affaires politiques ». Au nom du PT, Louisa Hanoune est allée dans le même sens que le RCD et le FFS en rejetant l’appel du chef de l’ANP.

Selon les observateurs, autant les réserves exprimées par Ali Benflis et Abderrazak Makri sont tout à fait compréhensibles, autant la position exprimée par le FFS, le RCD et le PT, ainsi que par M.Bouchachi, apparaît comme une tentative désespérée de sauver l’ « Etat profond » dont ces partis ont été parmi les principaux clients quoiqu’ils prétendent et dont l’ANP a toujours été la bête noire. En effet, l’application de l’article 102 ne constitue pas la fin mais le début d’un processus de changement puisque le chef de l’armée n’a pas précisé -et ce n’est pas ce qu’on attend de lui- les modalités de la transition démocratique dans la mesure où cette question reste du ressort du peuple souverain dans le cadre de la continuité de l’Etat algérien. Mais ces partis aventuristes, qui savent qu’ils n’ont aucun ancrage en dehors de la Kabylie, ne peuvent miser que sur le chaos et l’intervention étrangère pour arriver à leurs fins. Ce n’est pas un hasard si ces forces partagent avec la France une commune méfiance à l’égard de tout ce qui émane de l’ANP.  Cependant, ces forces minoritaires risquent d’être isolées au sein du mouvement populaire dans la mesure où pour la majorité des jeunes en lutte, la soif de liberté va de pair avec l’attachement à l’indépendance et à la souveraineté de l’Algérie dont l’ANP reste, qu’on le veuille ou non, le principal garant.

Mustapha Senhadji