Les révélations d’Abdelaziz Rahabi sur le Hirak : Trop et pas assez !

20.09.2022. Dans un récent entretien à la chaîne BRTV, l’ancien diplomate et ministre de la communication, Abdelaziz Rahabi, est revenu sur le Hirak en faisant quelques révélations importantes qui méritent qu’on s’y arrête tant elles tendent à confirmer ce que de nombreux Algériens pensaient sans en avoir la preuve. Bien sûr, pour des motifs politiques inavoués, Rahabi n’a pas pu s’empêcher de mettre sur le dos du regretté Ahmed Gaïd-Salah plus qu’il n’en faut..

Nous retiendrons de l’intervention d’Abdelaziz Rahabi trois éléments qui sonnent comme des aveux venant de la part d’une personnalité connue pour sa proximité avec la nébuleuse des forces autoproclamées « démocratiques » toutes plus ou moins infiltrées par les services de l’ex-DRS :

1) Rahabi reconnaît que « l’Algérie était au bord d’une crise politique violente » qui rendait nécessaire le dialogue avec les représentants de l’Etat. « J’ai dit nous avons le droit de demander un changement de gouvernement mais pas le départ du président de la État. Il a été nommé dans des conditions tout à fait anticonstitutionnelles mais la crise nous recommande que l’Etat soit représenté et que ce soit ces gens-là qui soient nos interlocuteurs »,

2) Rahabi reconnaît que des personnalités au sein du Hirak (qu’il ne nomme malheureusement pas) ont refusé ce dialogue sous des prétextes divers « J’ai vu tous les groupes y compris les plus radicaux qui excluaient toute idée de dialogue. « Ils m’ont dit : à chaque fois que nous avons dialogué avec ce pouvoir, il a gagné la bataille parce qu’il joue sur le temps et fait des promesses qu’il ne respecte pas », Rahabi qui était favorable au dialogue avec le président par intérim Abdelkader Bensalah  avance l’argument « l’Etat avait besoin d’avoir un président qui l’incarne » mais reconnaît que « c’est un des points de discorde avec des personnalités influentes du Hirak ».

3) Rahabi reconnaît enfin que le Hirak a bel et bien été infiltré par des groupuscules radicaux (en faisant sans doute allusion à des éléments de l’ex-FIS dissous ) et par l’étranger. Pour lui, le Hirak a« duré longtemps », ce qui a créé un stress chez les services de sécurité, puis son infiltration par « des groupes radicaux algériens » et par « l’étranger ». « Au début, c’était une affaire algérienne, mais en prenant la dimension qu’il avait prise, il était devenu une affaire de sécurité régionale ».

Prisonnier de se relations avec des réseaux liés à la mouvance dite « démocratique » dont les connexions avec les officiers « éradicateurs » est un secret de polichinelle, Rahabi refuse de tirer les conclusions de sa propre analyse et ne se pose pas la question simple dont la réponse permettra de comprendre ce qui s’est passé depuis. : pourquoi les radicaux du Hirak refusaient-ils le dialogue avec la présidence de l’Etat ? Ces « radicaux » auraient-ils refusé le dialogue et le processus constitutionnel proposé par l’état-major de l’armée devant déboucher sur une élection présidentielle s’ils avaient la moindre chance d’arriver au pouvoir par la voie électorale ? Les minorités culturelles et idéologiques qui s’autoproclament « démocratiques » n’ont jamais parié réellement sur une véritable démocratisation parce qu’elles savent au fond ce qu’elles représentent vraiment dans la société algérienne et ce qu’elles doivent au système des quotas instauré par l’Etat-DRS. En mettant sur le dos de feu Ahmed Gaïd-Salah l’échec du Hirak, Rahabi a fait preuve d’une faiblesse des plus regrettables. Certes, Gaïd-Salah fut indiscutablement complice du 4eme mandat non sans un certain calcul politique qui s’est avéré très intelligent pour se débarrasser de la toute-puissance de l’ancien chef de l’ex-DRS. Mais qui a rendu auparavant possibles les 2eme et 3eme mandats si ce n’est Toufik dont le jeu trouble durant le Hirak est passé sous silence par Rahabi ? Qui a empêché la prolongation du 4eme mandat que le clan Nezzar-Toufik  a cherché à imposer avec la complicité de Paris, de Saïd Bouteflika et de Ramtane Lamamra ? Qui a sauvé l’Algérie contre les menaces de la « violence politique » et des « infiltrations étrangères » que Rahabi lui-même redoutait ? Ces questions et d’autres, Rahabi ne pouvait pas les poser sans s’aliéner ses mentors de l’ombre qui lui font miroiter, à lui et à Lamamra, un « destin national » en 2024 si jamais Tebboune risquait entretemps de leur tourner le dos.

Mohamed Merabet