L’International Crisis Group prévoit un durcissement du Hirak

« Les retombées économiques et sociales de la crise déclenchée par la Covid-19 et les mesures de confinement que les autorités algériennes ont mises en place risquent de radicaliser le mouvement de contestation (hirak).  » Telle est la conclusion d’un récent rapport de l’ONG située à Bruxelles, l’International Crisis Group. L’ONG conseille au gouvernement algérien de dialoguer avec le Hirak pour éviter les conséquences néfastes de cette éventuelle radicalisation : « Afin d’éviter ce scénario, le pouvoir devrait profiter de l’union nationale générée par la pandémie pour desserrer son étau sur le hirak et soutenir certaines de ses initiatives citoyennes. Si un dialogue politique est peu réaliste à court terme, pouvoir et hirak devraient à tout le moins participer à un dialogue économique national visant à lever les obstacles aux changements structurels nécessaires pour éviter une crise économique d’ampleur. Les organisations financières internationales et pays amis de l’Algérie devraient se préparer à la soutenir financièrement, notamment pour qu’elle puisse mener d’éventuelles réformes économiques, sans pour autant imposer des conditionnalités trop strictes. »

Le rapport de l’ONG belge dénonce ce qu’il appelle un « raidissement sécuritaire » :  « Si, sur le plan socioéconomique, le gouvernement algérien a été réactif, mettant en place une série de mesures d’urgence, sur le plan politique, il semble mettre un terme à la période de détente vis-à-vis du hirak qui a suivi l’élection, le 12 décembre 2019, d’Abdelmadjid Tebboune. Ainsi, malgré les promesses de réforme constitutionnelle formulées en réponse aux revendications du hirak, le raidissement sécuritaire devient perceptible. De surcroit, la paralysie économique mondiale et la chute du prix du baril de pétrole ont multiplié les défis économiques et sociaux auxquels l’Algérie est confrontée. Vu la dépendance du pays à l’exportation d’hydrocarbures et l’impact du confinement, la plupart des projections macroéconomiques sont peu optimistes. »

Pour l’ICG, le pouvoir algérien n’aurait pas d’autre choix que d’accepter le dialogue avec le Hirak et l’aide financière internationale s’il veut éviter l’émergence de groupes contestataires plus radicaux dans un avenir proche : « A court terme, le gouvernement algérien pourrait devoir recourir à l’endettement extérieur et renforcer considérablement les mesures d’austérité budgétaire, avec pour conséquence possible une recrudescence des tensions sociales. Dès lors, lorsque les mesures de confinement seront levées dans l’ensemble du pays, le hirak pourrait adopter une position plus offensive. Les conditions sont réunies pour que les marches bihebdomadaires reprennent et que s’y ajoutent des grèves générales et la désobéissance civile, ce qui exacerberait le conflit avec le pouvoir. Le bras de fer auquel le pouvoir et le hirak se livrent depuis février 2019 risquerait de se durcir. A défaut, le hirak pourrait s’épuiser, et en l’absence de mesures répondant aux aspirations que le mouvement exprime, créer un vide laissant la place, dans quelques années, à des groupes minoritaires prônant un discours plus dur et des modes d’actions plus radicaux. » Curieusement, le rapport de l’ICG, risque malheureusement de prêter le flan à une lecture qui s’apparente à une sorte de chantage  exercé à l’endroit de l’Etat algérien. Ce dernier est sommé de choisir entre deux positions:  soit il accepte de s’ouvrir aux groupes d’intérêts qui utilisent le Hirak pour conquérir (ou reconquérir) des rentes de position soit il risque de subir les conséquences du plan B  dont la sous-traitance sera confiée à des « groupes radicaux ».

Mohamed Merabet