Scepticisme des observateurs autour de l’accord inter-libyen de Paris

Certes, le président français Emmanuel Macron a réussi une belle opération de com en réunissant à Paris les deux principaux rivaux du conflit libyen, Faiez Sarraj et Kahalifa Haftar. Cependant, les observateurs de la scène régionale restent sceptiques quant aux chances de voir l’accord inter-libyen signé à Paris tenir à moyen terme. Le véritable défi sera la mise en œuvre de l’accord. « Le pari se fonde sur le double postulat que le maréchal Haftar contrôle l’est du pays, et Sarraj l’ouest, souligne Patrick Haimzadeh, ancien diplomate et spécialiste de la Libye, dans une déclaration au quotidien Le Monde. Or, surtout pour Sarraj, ce n’est pas vrai. Ces deux hommes ne sont pas les seuls acteurs de la scène libyenne. Si cette rencontre peut être un premier pas, elle peut aussi  aggraver la fragmentation du pays. » Faïez Sarraj n’a, en effet, pas reçu de mandat de négociation de la part de ses soutiens à Tripoli et à Misrata. Pire, le parti de la Justice et de la construction (proche des Frères musulmans), qui soutient pourtant le gouvernement de Faiez Sarraj, a dénoncé la rencontre de Paris en arguant qu’il s’agit d’une initiative unilatérale en contradiction avec le processus initié sous les auspices de l’ONU.

Quant au camp de Haftar, il est divisé sur la stratégie à suivre. L’hypothèse d’élections dans moins d’un an alors que rien n’est prêt suscite aussi un réel scepticisme. « Le risque est celui de créer un troisième Parlement et d’accroître encore les fractures », note un bon connaisseur du dossier. « C’est une étape, ce n’est pas encore la paix », reconnaît-t-on à l’Elysée, où l’on veut croire néanmoins « à la dynamique créée par l’action commune d’un Sarraj, incarnant la légitimité politique, et d’un Haftar, fort de sa légitimité militaire. » Par ailleurs, l’initiative diplomatique française a suscité la méfiance du partenaire italien, particulièrement sensible à ce qui passe en Libye en raison de ses intérêts historiques dans ce pays. Reprenant les critiques ouvertes de la presse italienne à l’encontre de l’initiative française, le quotidien français Le Monde reconnaît que « L’Italie n’a guère apprécié de se voir mise devant un fait accompli dans son ancienne colonie, où elle est active sur les terrains diplomatique et humanitaire »

En effet, le ministre italien des affaires étrangères, Angelino Alfano, s’est ouvertement inquiété, dans La Stampa, de la multiplication des médiateurs et des initiatives, appelant « à unifier les efforts » autour de l’émissaire de l’ONU. Même si officiellement les Français prétendent qu’ils ont préalablement informé leurs partenaires, notamment L’Italie, cette dernière ne cache pas son irritation surtout que ses positions sur le dossier libyen semblent mieux partagées par d’autres partenaires internationaux à l’instar des Etats-Unis et de l’Allemagne. De son côté, l’Algérie qui ne peut qu’être irritée par l’initiative française n’a pas jugé utile de commenter officiellement la rencontre de Paris. Dans son communiqué, le MAE a fait savoir que le ministre des affaires étrangères, Abdelkader Messahel a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues libyen et français.  Au cours de ses entretiens, M. Messahel « a assuré ses interlocuteurs que  l’Algérie poursuivra ses efforts pour accompagner les parties libyennes  dans leur quête de retour à la paix et à la stabilité, dans ce pays frère  et voisin, à travers le dialogue inclusif et la réconciliation nationale« ,  conclut le communiqué du MAE.