SILA : Sous le signe de la profusion de l’édition en langue arabe
La 22ème édition du Salon international du livre d’Alger a coïncidé avec la sortie de plus de 180 romans dans les trois langues (arabe, amazighe et française), avec plus de 90% de livres écrits en arabe et la moitié sont les premières œuvres de leurs auteurs, un phénomène qui suscite des questionnements autour des éditeurs qui font la promotion des premières œuvres et sur la qualité de l’écriture. Certains auteurs estiment que cet engouement pour l’écriture est « positif », de l’avis d’Amine Zaoui qui a relevé que l’Algérie avec ses dix millions d’élèves, deux millions d’universitaires et un million de diplômés « a besoin de plus de 100 romans par an ». Amine Zaoui qui s’est dit « très content de cette profusion de nouveaux livres », a manifesté, en dépit de son enthousiasme pour l’émergence de nouveaux auteurs, sa crainte pour certains de basculer dans le « suicide culturel », notamment en « l’absence d’un accompagnement critique » donnant lieu à un tri « rationnel » et « serein ».
Commentant cette vague d’écriture et d’édition, le romancier Mohamed Djaffer estime que « le sentiment ne produit pas de la littérature », relevant cependant « une certaine positivité » dans la publication d’un grand nombre de romans. Pour le romancier, « le problème ne réside pas dans le jeune créateur mais dans l’absence de certains axes », avant de citer les éléments manquants chez l’éditeur, notamment « l’absence de rédacteur ou de réviseur », outre « l’absence » de presse spécialisée, la faiblesse des médias culturels, et la « domination » des réseaux sociaux qui ont « accordé un pouvoir au lecteur et l’ont transformé en auteur ». Le critique et universitaire, Mohamed Amine Bahri a évoqué le « roman d’urgence » comme ce fut le cas dans les années 90. Et d’ajouter que « l’obsession sécuritaire qui a engendré les « textes légers » dans les années 90, est devenue ‘une obsession sociale’ et le souci majeur du jeune romancier immature est la publication ». Mohamed El Amine Bahri explique que l’écriture chez certains amateurs n’est pas tant un objectif d’autant qu’elle est un moyen pour occuper une place au milieu de l’élite intellectuelle.
Au-delà de ces observations critiques, la 22eme édition du SILA n’a pas manqué de faire apparaître les contradictions qui agitent la scène culturelle algérienne. La profusion de l’édition en langue arabe dérange les minorités culturelles et idéologiques dont le discours est en perte de vitesse au sein de la jeunesse algérienne même si malheureusement leur discours continue à être surmédiatisé par des médias « indépendants » à la solde de la mafia politico-financière algéroise. Pour faire passer leur discours antinational et antipopulaire, ces minorités se cachent toujours derrière la même rhétorique de l’ouverture, de la modernité et de l’universalité. Amine Zaoui est allé jusqu’à déclarer au confrère Echorouk que « les lecteurs francophones seraient plus intelligents et plus tolérants que les lecteurs arabophones » ! Heureusement que les lecteurs algériens ont eu droit à d’autres discours. Ils ont pu notamment apprécier le discours engagé et véritablement progressiste d’un auteur comme Niels Anderson qui a animé une conférence sur les nouvelles formes de la domination néocoloniale dans le monde d’aujourd’hui.