Soixante ans après le 17 octobre, la France persiste dans sa politique de dénégation

Soixante ans après le 17 octobre 1961, la France persiste dans sa politique de dénégation et exclut toute « reconnaissance officielle » de sa responsabilité dans les massacres commis par la police française contre des Algériens sortis manifester pacifiquement à Paris pour le droit à l’indépendance et contre un couvre-feu discriminatoire des autorités françaises. Même après six décennies, le silence continue à envelopper cette tragédie qui a fait des centaines de victimes algériennes.   L’auteur de « La Bataille de Paris », l’historien français Jean-Luc Einaudi évoque, dans son livre « un massacre oublié pendant des décennies, refoulé par la conscience collective, étouffé par le gouvernement » français. Les historiens britanniques Jim House et Neil Mac Master qualifient cet évènement inouï de « répression d’Etat la plus violente qu’ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine ».

Cette manifestation, réprimée dans le sang, aurait fait un millier de victimes, selon Mohamed Ghafir, ancien responsable du Front de libération nationale (FLN) dans la région Nord de Paris, pendant la guerre de libération.Au total, quelque 15.000 Algériens et Algériennes avaient été arrêtés lors de ces évènements et transférés au palais des Sports, au parc des Expositions et au stade Coubertin et détenus dans des conditions effroyables: battus et longtemps laissés sans nourriture et sans soins. Grâce à ses recherches, M.Einaudi, décédé en 2014, avait dévoilé, une liste de 390 Algériens victimes de la répression sanglante de la police parisienne. Mais la France officielle a exclu, en effet, toute forme de repentance ou d’excuses suite au rapport sur la colonisation, remis en janvier par Benjamin Stora au président français. En dépit des demandes répétées d’un collectif regroupant de nombreuses associations, organisations syndicales et partis politiques, mis en place en France il y a une vingtaine d’années, les gouvernements et présidents français successifs continuent à se dérober et refusent de reconnaître qu’un crime d’Etat particulièrement terrible a été commis le 17 octobre 1961 à Paris.

Même si l’ex-président français, François Hollande, était le premier chef d’Etat à reconnaître « avec lucidité » comme tel ce massacre qui avait coûté la vie à des centaines d’Algériens, il n’en demeure pas moins que cette reconnaissance reste en-deçà de la réalité et des revendications des Algériens. L’ancien président français s’est contenté, en effet, de qualifier ces événements de « sanglante répression », hésitant à s’engager plus avant. Son successeur, Emmanuel Macron, adopte par la suite la même stratégie sur la question mémorielle en Algérie. Une « politique de petits pas » pour esquiver le débat essentiel et la remise en question globale de la colonisation et ses effets. Lors de son déplacement à Alger, en tant que candidat à l’élection présidentielle, Macron avait affirmé que la colonisation avait été un « crime contre l’humanité ». Une fois élu à la présidence française, il s’est bien gardé de réitérer ses propos. Pire encore, il est allé, récemment, jusqu’à questionner l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française, selon des propos non démentis, rapportés par le quotidien Le Monde.  Ces propos ont provoqué la colère à Alger. Les Algériens étaient unanimes à dénoncer « des propos inacceptables », exprimant leur rejet « catégorique » de « toute forme d’ingérence » et d' »atteinte à la souveraineté nationale » (APS)