Un nouveau rebondissement dans l’affaire du gazoduc transsaharien ?

Comme nous l’écrivions il y a quelques jours, le projet du gazoduc qui devrait relier le Nigeria à l’Europe est devenu au fil des années un feuilleton interminable. Dans une de nos dernières éditions, nous avons rapporté une information, relayée surtout par les médias marocains, selon laquelle le ministre d’Etat au pétrole nigérian, Timipre Sylva, aurait déclaré que son pays recherchait le financement d’un gazoduc qui passerait par le Maroc. Quelques jours après, des sites algériens ont rapporté avec image à l’appui une déclaration du même ministre qui déclare que le gazoduc nigérian devrait normalement passer par l’Algérie. Cette dernière information a été reprise par la chaîne AL24. S’agit-il d’un nouveau rebondissement dans cette affaire ? Nous avons en vain cherché  à vérifier cette information dans les médias nigérians. Dans ces conditions, la prudence doit rester de rigueur en attendant une confirmation officielle émanant des parties concernées. En tout cas, jusqu’à ce jour, le ministère algérien de l’énergie n’a fait aucune déclaration à ce sujet.

Dans l’attende d’une déclaration officielle, nous ne pouvons que rappeler les choses qui nous paraissent évidentes à ce stade. La première chose à relever est que le projet du gazoduc transsaharien qui devrait passer par le Niger et l’Algérie (4000 kilomètres environ) est indiscutablement le projet le plus viable et le plus économique.  Il pourrait être réalisé en moins de 10 ans si les financements sont levés (20 Milliards de dollars environ). Le fait que l’Algérie dispose déjà de gazoducs de Hassi-Rmel vers le littoral Est et Ouest en plus de l’expertise acquise dans le domaine du gaz est un atout considérable pour le gazoduc transsaharien. S’il devait passer par les pays d’Afrique de l’ouest et le Maroc, le gazoduc serait d’une longueur de 6000 kilomètres et le fait de longer une douzaine de pays sans ressources ni expérience gazière – et qui seront obligés de ponctionner une partie du gaz qui traverse leur territoire- ne plaide pas beaucoup pour ce projet sans parler de la durée que prendre la réalisation d’un tel gazoduc (20 ans environ) et son coût plus élevé (au moins 25 milliards de dollars).

Ceci dit, cela ne veut pas dire que le projet du gazoduc transsaharien est acquis. En effet, même si tous les facteurs économiques plaident pour ce projet, ce dernier n’a pas que des partisans. Des puissances étrangères voient d’un mauvais oeil le fait que l’Algérie, qui exporte déjà plus de 40 milliards de mètres cube de gaz via ses gazoducs qui desservent l’Italie et l’Espagne, puisse servir de plateforme pour l’exportation de 30 milliards de mètres cube de gaz nigérian vers l’Europe. Il faut ajouter à cela le lobbying des Etats d’Afrique de l’ouest et du Maroc qui cherchent tout naturellement à profiter du passage du gazoduc nigérian. En faisant semblant de soutenir ce projet pour développer ces pays d’Afrique de l’ouest, certaines puissances étrangères font d’une pierre deux coups : d’une part soutenir économiquement des régimes alliés et d’autre part affaiblir la position économique et géopolitique de l’Algérie. Dans ces conditions, l’Algérie devrait mettre tout son poids dans la balance pour relever ce défi et convaincre ses partenaires nigérian et européens de l’avantage comparatif du projet de gazoduc transsaharien.

Mustapha Senhadji