Campagne de désinformation israélienne contre l’Iran

A treize jours de la décision des Etats-Unis quant à leur éventuel retrait de l’accord signé en 2015 avec l’Iran, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, a lancé une campagne d’intoxication médiatique prétendant que l’Iran aurait caché durant des années son programme de recherches nucléaires et sa volonté d’acquérir l’arme atomique. Au cours d’une conférence de presse, le premier ministre israélien a révélé que son pays détenait des dossiers compromettants. Ces dossiers — 55 000 pages et 183 CD —, qu’Israël aurait obtenus « il y a quelques semaines », étaient dans un entrepôt secret à Téhéran. Le premier ministre israélien a fait savoir que ces documents avaient été portés à la connaissance des Etats-Unis, lesquels seraient en mesure de confirmer leur authenticité. Israël se dit prêt à transmettre l’ensemble à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et à d’autres pays. Des équipes seront prochainement envoyées en Allemagne et en France pour faire une nouvelle présentation, plus exhaustive, de ces documents, a annoncé dans la soirée le bureau du premier ministre, qui s’est entretenu avec Emmanuel Macron et Angela Merkel.

L’essentiel de la présentation du premier ministre israélien a porté sur le projet « Amad », un plan secret de Téhéran pour  obtenir l’arme atomique à la fin des années 1990, jusqu’à son abandon, en 2003. Son objectif était de concevoir et de produire cinq têtes nucléaires, chacune de 10 kilotonnes, qui devaient être ensuite placées sur des missiles de type Shahab 3. Après avoir renoncé au projet « Amad », a expliqué M. Nétanyahou, l’Iran aurait poursuivi ses recherches sous différentes couvertures. Rien de cela ne constitue une véritable nouveauté. En 2011, l’AIEA écrivait déjà dans un rapport que l’Iran avait développé un programme « structuré » pour acquérir l’arme nucléaire jusqu’en 2003, dont certains volets pouvaient avoir été prolongés. Emily Landau, chercheuse à l’Institut pour les études de sécurité nationale (INSS) de Tel-Aviv et spécialiste du nucléaire iranien, avoue que le premier ministre israélien n’a apporté aucune révélation sérieuse « on n’a pas vraiment de nouvelles informations, mais c’est tout de même extrêmement intéressant ».

Selon le quotidien français, Le Monde, « La principale faiblesse de la dramaturgie du premier ministre israélien réside dans l’absence de preuves claires d’une violation par l’Iran des termes de l’accord signé en 2015 avec l’Allemagne et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU — Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne ».  Le premier ministre israélien prétend que « même après l’accord, l’Iran a continué à préserver et à étendre son savoir-faire nucléaire pour utilisation future ». Cette déclaration est pourtant contredite par une autre source israélienne autorisée. Dans un entretien accordé au quotidien Haaretz, le 30 mars, le chef d’état-major de l’armée israélienne, le général Gadi Eizenkot, avait tenu des propos qui contredisent les allégations de Benjamin Netanyahou : « l’accord, malgré tous ses défauts, fonctionne et reporte la réalisation de la vision nucléaire iranienne de dix à quinze ans ». De son côté, l’Agence internationale de l’énergie atomique à laquelle l’Accord confère des prérogatives de contrôle très rigoureuses n’a jamais fait état d’activités iraniennes contraires à l’esprit de l’Accord de 2015. Pou les observateurs, la sortie médiatique du premier ministre israélien n’avait qu’un seul but : pousser le président américain à sortir de l’Accord de 2015 et donner à Israël un prétexte légal pour attaquer l’Iran.