Vers un partenariat algéro-italien pour la production de l’hydrogène vert

La récente visite du président du Conseil des ministres italien, Mario Draghi, à Alger, a été l’occasion pour la signature d’un accord gazier qui prévoit notamment une augmentation progressive des quantités de gaz algérien livrées à l’Italie et une révision des prix en relation avec l’évolution des cours sur le marché. L’Algérie conditionne l’augmentation de ses livraisons de gaz en direction de l’Europe par une plus grande implication de ses partenaires européens dans l’investissement dans le secteur énergétique. On s’attend à ce que le groupe italien ENI qui est déjà le premier investisseur étranger dans le secteur de l’énergie en Algérie multiplie ses investissements dans un proche avenir. Les investissements du groupe italien ne vont pas se limiter au pétrole et au gaz puisque si l’on s’en tient aux discussions engagées par les deux parties depuis plusieurs mois, le secteur des énergies renouvelables serait aussi concerné. Les observateurs ont remarqué la présence du PDG de la SNAM, Marco Alvera, dans la délégation italienne qui a accompagné le président du Conseil italien lors de sa récente visite à Alger. Or la Snam, premier groupe européen spécialisé dans les infrastructures gazières,  est devenu récemment actionnaire du gazoduc algéro-italien Transmed et elle est surtout connue pour son engagement dans le cadre de la transition énergétique en Italie.

Les analystes financiers ont interprété la prise de participation de la Snam dans le gazoduc Transmed comme un signal fort en vue  de se préparer à l’importation de l’hydrogène d’Afrique du nord vers l’Europe. La déclaration du Pdg de la Snam à Alger ne laisse aucun doute à ce sujet : «À l’avenir, l’Afrique du Nord pourrait devenir une plaque tournante pour la production d’énergie solaire et d’hydrogène vert.»  La Snam qui dispose d’actifs de 4, 5 Milliards de dollars, projette d’utiliser le gazoduc Transmed pour des livraisons en hydrogène produit en grande quantité en Algérie pour alimenter l’Europe avec ce nouveau combustible. Ce projet s’inscrit parfaitement dans la stratégie du groupe qui vise à ne transporter que du gaz décarboné d’ici 2050. La vente par ENI d’une partie de ses actifs à la Snam ne s’explique pas seulement par des raisons financières mais s’inscrit également dans la stratégie de ce groupe en vue de réussir sa transition vers une énergie à faible émission de carbone comme l’a rappelé récemment le Pdg d’ENI, Claudio Descalzi : «cette transaction nous permet de libérer de nouvelles ressources à utiliser sur notre chemin de transition énergétique».

Pour rappel, un protocole d’accord a été signé, en mars dernier à Milan, par les représentant d’ENI et de Sonatrach. Cet accord met l’accent sur la production d’hydrogène. A l’issue de la rencontre, une feuille de route a été tracée, et comme l’a précisé le groupe italien dans son communiqué, «l’hydrogène vert est au centre de ce partenariat». Quelques mois plus tard, début juillet, une rencontre s’est tenue à Alger. Le PDG de Sonatrach, Toufik Hekkar, côté algérien, et le manager général d’ENI – Natural Resources, Alessandro Puliti, côté italien, ont convenu de se préparer à cette nouvelle coopération. A l’issue de la rencontre, Sonatrach et ENI ont posé les jalons de la future collaboration dans le domaine de la production de ce combustible vert. Concrètement, les deux parties ont procédé à «l’évaluation conjointe de la faisabilité technique et commerciale d’un projet pilote de production d’hydrogène à partir d’électricité produite à partir de sources renouvelables.» Quant à l’utilisation des ressources aquifères, une source proche du dossier avait tenu à rassurer la population locale en précisant que «les ressources en eau du pays allaient être préservées». Selon lui, «l’utilisation de l’eau produite par les champs pétrolifères sera évacuée pour les procédés d’électrolyse nécessaires à la production d’hydrogène, après avoir été convenablement traitée par des usines dédiées». En marge de la visite du président du Conseil italien à Alger,  nous avons assisté en quelque sorte à la troisième étape de ce projet ambitieux. Il reste à espérer que la Sonatrach, forte de ses nouvelles recettes engrangées grâce à la flambée des cours pétroliers et gaziers, sera à la hauteur de cette nouvelle ambition qui verrait l’Algérie devenir bientôt une plateforme alimentant l’Europe en hydrogène vert dans le cadre d’une coopération fructueuse avec ses partenaires italiens.

Mustapha Senhadji