Yennayer entre fête populaire et dérive politicienne

Depuis quelques années, le pouvoir algérien s’est cru obligé d’officialiser Yennayer et d’en faire un « Nouvel an amazigh » en le décrétant une journée nationale chômée et payée. A cette occasion, des festivités sont organisées sur tout le territoire national avec l’argent public. La préservation de l’unité nationale n’a pas de prix ! Il n’y a pas de raison pour que cette année les choses se passent autrement. L’Etat algérien est toujours confronté à une défiance croissante en Kabylie comme en témoigne l’abstentionnisme de cette région lors des dernières élections présidentielles. Le chantage au séparatisme qui est devenu le fonds de commerce principal des partis berbéristes explique le fait que l’Etat algérien n’hésite pas à tomber dans le ridicule en faisant d’une fête populaire séculaire connue de toutes les sociétés agraires du pourtour méditerranéen le symbole d’un Nouvel an chimérique.

Comme chaque année, la célébration du « Nouvel an amazigh » donne lieu à des polémiques en Algérie et au sein de la diaspora algérienne à l’étranger. De nombreux internautes algériens sont offusqués à l’idée que le gouvernement algérien se fasse complice d’une telle mascarade. Une fête populaire ancestrale qui devient une occasion pour célébrer symboliquement un « nationalisme berbère » sectaire et chauvin qui va jusqu’à nier -dans ses composantes extrêmes- les dimensions arabe et musulmane de l’Algérie qu’il assimile à une « conquête coloniale ».

En effet, si en Kabylie et au sein de la communauté kabyle à l’étranger, Yennayer est désormais célébré comme le « Nouvel an amazigh » avec une dimension idéologique et politique de plus en plus nette, dans les autres régions d’Algérie, là où il est encore fêté, Yennayer ne dépasse guère la sphère familiale si on excepte les efforts artificiels des pouvoirs publics qui cherchent à en faire une « journée nationale. » Faute d’avoir pris en charge comme il se doit la revendication identitaire kabyle qui est tout à fait légitime, tant qu’elle ne dégénère pas en nationalisme chauvin et en volonté d’hégémonie, l’Etat algérien, en décidant d’imposer à toutes les régions les caprices d’une minorité culturelle est en train de créer les conditions d’un courant d’opinion farouchement anti-kabyle comme on peut malheureusement s’en rendre compte sur la toile.

Mohamed Merabet