Boukrouh s’insurge contre les directives imputées au président Bouteflika

C’est un véritable pavé dans la mare que vient de jeter Noureddine Boukrouh à la suite de la publication par Ennahar TV d’un soi-disant message émanant du président Bouteflika qui recadre le premier ministre Abdelmadjid Tebboune en ce qui concerne un soi-disant harcèlement contre les « hommes d’affaires ». L’ancien ministre du commerce et fondateur du PRA s’étonne d’abord qu’une information officielle aussi sensible soit donnée par une chaîne privée de droit étranger. Revenant au contenu de l’affaire, Noureddine Boukrouh ne mâche pas ses mots et parle carrément d’une émeute au sommet de l’Etat. Boukrouh rappelle qu’il s’agit là un précédent grave dans l’histoire des institutions de l’Algérie indépendante. “De mémoire d’Algérien indépendant (si les informations distillées par « Ennahartv » se confirment), on n’a jamais vu un président de la République se plaindre publiquement de son Premier ministre et pousser à l’émeute les membres de son équipe en leur enjoignant d’agir en s’affranchissant des directives issues d’un plan d’action adopté en conseil des ministres puis par le Parlement“. Pour lui, “il aurait été plus indiqué de convoquer le Premier ministre ou de l’instruire par téléphone en attendant de le limoger le cas échéant sans ameuter l’univers, le Président a parlé de lui en public comme d’un délinquant qui ne tardera pas à être écroué.”

Nourredine Boukrouh pose ensuite des hypothèses inquiétantes sur ce qui pourrait se cacher derrière cet épisode alarmant :“Avec cet énième épisode fantasque du quatrième mandat, nous aurons franchi le mur du son. Avant, on n’entendait pas le « bang » assourdissant quand un Premier ministre remplaçait un autre ; tout se faisait en douceur, à la vitesse subsonique, voire celle des ultra-sons. Mais cette fois-ci, c’est vraiment le « big bang », la débandade générale et bientôt peut-être le sauve-qui-peut“. “Si l’erreur de casting concernant Benaggoun a laissé les observateurs pantois, celle s’appliquant à Tebboune pose par les invraisemblances qui l’entourent un très grave problème, celui de l’exercice des pouvoirs présidentiels“. “Car ce monsieur est un très ancien ami du Président ; il n’a pas un tempérament d’aventurier et n’est pas un gaffeur ; il est dans les rouages du pouvoir depuis des décennies et ne peut pas jouer ce qu’il lui reste à vivre à la roulette ; rappelons-nous aussi qu’il a été désigné il n’y a pas longtemps à l’Ordre national du mérite“.

Même s’il utilise le conditionnel faute d’informations sûres et certaines, Boukrouh va très loin puisqu’il ose évoquer l’hypothèse d’une déficience mentale dans le chef du président de la république“. “Si ce qui est imputé au président Abdelaziz Bouteflika par « Ennahartv » émane réellement de lui, cela voudrait dire que nous ne sommes plus en présence d’un homme affligé d’une défaillance physique mais aussi, depuis peu, d’une déficience mentale“. Dans ce cas, la « destitution immédiate” du Président “s’imposerait alors comme une nécessité devant l’apparition de signes de démence, de confusion mentale ou de perte du discernement chez lui, risquant de placer le pays dans une situation de “péril imminent” ». Boukrouh évoque ensuite le cas où c’est Saïd Bouteflika qui a agi, ce qui signifierait une “usurpation de pouvoir“. “S’il n’émane pas de lui c’est donc de son frère comme dirait Jean de La Fontaine, mais cela rendrait les choses encore plus compliquées : cela signifierait une éclipse totale du président légal, la vacance de la fonction présidentielle et une usurpation de pouvoir.” Si elle se confirme, l’analyse de Noureddine Boukrouh, qui est au demeurant de plus en plus partagée par des cadres supérieurs, met les décideurs devant leurs responsabilités historiques en vue de protéger l’intégrité des fonctions régaliennes de l’Etat algérien.