Mokdad Sifi propose un cadre pour la réussite du dialogue

Une fois n’est pas coutume. Un ancien commis de l’Etat ne se contente pas de débiter des généralités ou des discours populistes mais tente de faire des propositions constructives et réalistes pour permettre à l’Algérie de traverser sa crise actuelle. Mokdad Sifi, un ancien chef du gouvernement sous la présidence de Liamine Zeroual, connu pour son intégrité et sa compétence, a lancé une initiative en vue de réunir les «conditions pratiques pour la réussite d’un dialogue national constructif et consensuel visant la satisfaction des revendications populaires dans le cadre de la légitimité constitutionnelle». Mokdad Sifi commence par expliquer le blocage actuel par deux facteurs à savoir «le maintien de responsables (…) qui ne peuvent que nuire aux intérêts du pays et soutenir une contre-révolution préjudiciable à l’émergence d’une nouvelle République» et «les tentatives avérées de détournement du mouvement populaire du 22 février par des parties avec d’autres agendas que l’intérêt national et qui poussent les citoyens à travers différentes manipulations médiatiques à adopter des revendications irréalistes». M. Sifi estime que les appels au dialogue lancés récemment par le commandement de l’ANP et par des chefs de partis et des personnalités nationales «ont échoué pour des raisons liées aux exigences extrêmes des uns et des autres». Commentant le dernier discours du général Ahmed Gaïd-Salah, Mokdad Sifi se dit convaincu que cet «ultime appel peut constituer le soubassement de la solution pour satisfaire la majorité des revendications populaires, tout en maintenant un cadre constitutionnel minimal et sauvegarder les intérêts sociaux, économiques et sécuritaires de la nation».

Dans ses propositions en vue d’entamer un dialogue constructif, M. Sifi appelle le Premier ministre et les ministres à démissionner «individuellement» dans la mesure où le président de l’Etat par intérim n’a pas les prérogatives constitutionnelles de les destituer. «Avant la démission de chaque ministre, le président de l’Etat, il en a le droit, nommera un nouveau secrétaire général pour chaque ministère qui gérera les affaires courantes. Ainsi, on enlèvera tous les membres du gouvernement sans qu’on ait besoin de le dissoudre», précise Mokdad Sifi, ajoutant que le chef de l’Etat «chargera par décret le secrétaire général de la Présidence de la coordination des actions gouvernementales». Mokdad Sifi fait également plusieurs propositions en vue de rendre plus crédibles les institutions de l’Etat : changement du président de l’APN, remplacement de tous les walis nommés par l’ancien pouvoir et le changement des procureurs généraux et des présidents de cours de justice impliqués avec l’ancien régime, et des responsables des institutions financières publiques et des directeurs généraux des ministères des Finances, du Commerce et de l’Industrie impliqués avec l’ancien régime.

Mokdad Sifi estime que la désignation par le président de l’Etat, en accord avec le commandement de l’ANP, de trois personnalités nationales indépendantes des partis et de l’ancien régime, chargés de dialoguer au nom des institutions de la République avec les représentants du mouvement populaire, constitue une bonne formule à même de faire accepter le dialogue par les représentants du Hirak poppulaire. «Les représentants du mouvement populaire seront identifiés par les trois personnalités nationales au sein des syndicats autonomes, des associations d’étudiants, d’avocats, de magistrats, de journalistes et dans le forum populaire». Cependant, «les partis ne seront pas associés au dialogue avec le mouvement citoyen mais leurs leaders, à l’exception des partis de l’ancienne alliance présidentielle, seront reçus séparément par les trois personnalités pour connaître leurs avis et propositions». «Ceux qui récusent le dialogue avec le chef de l’Etat n’auront pas à le rencontrer. Les trois personnalités informeront le chef de l’Etat et le commandement de l’ANP du progrès du dialogue entrepris», suggère encore Mokdad Sifi, qui appelle les représentants du mouvement populaire à «accepter que le chef de l’Etat reste à son poste pour maintenir la légitimité constitutionnelle» et à «participer à la mise sur pied d’une instance indépendante d’organisation des élections, chargée de préparer dans moins de six mois l’élection présidentielle». Pour M. Sifi, il appartiendra à ce futur président élu au suffrage universel d’entamer un processus de réformes politiques avec l’accord d’un parlement réellement représentatif en vue de jeter les bases d’une nouvelle république à a hauteur des aspirations populaires.

Mustapha Senhadji