Les Turcs votent en faveur d’un régime présidentiel
Les Turcs ont approuvé ce dimanche une proposition visant à accorder au président des pouvoirs considérablement élargis et à s’écarter du système parlementaire. Sur les plus de 50 millions de personnes ayant le droit de vote, 51,2 % ont voté en faveur des réformes, selon les données fournies par l’agence de presse publique Anadolu. Même si c’est avec une courte majorité, le président Erdogan a gagné son pari aussi bien contre son opposition interne que contre ses détracteurs européens. « Notre nation a agi avec maturité et s’est rendue aux urnes aujourd’hui », a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan. Le taux de participation était élevé, avec 85,8 % des électeurs exerçant leur droit de vote. La participation était plus faible dans le sud-est du pays, avec des taux avoisinant les 70-75 %. Dimanche, le chef de la commission électorale a déclaré que le camp du Oui, qui soutient le renforcement des pouvoirs d’Erdoğan, avait remporté le référendum. Les provinces de l’Anatolie centrale et de la mer Noire, qui sont devenues des bastions de l’AKP au pouvoir, ont voté massivement en faveur d’une présidence exécutive, la plupart de ces provinces approuvant les réformes à 70 % des voix ou plus. Parmi les principaux centres urbains que sont Istanbul, Ankara et Izmir – importants parce qu’ils ont la densité de population et le nombre d’électeurs les plus élevés du pays –, Istanbul a été considérée comme le pivot du référendum. La ville portuaire occidentale relativement libérale d’Izmir, un bastion laïque où le CHP connaît un certain succès, a voté à 68,7 % contre le projet constitutionnel.
Dans la capitale Ankara, une ville principalement composée de fonctionnaires et de migrants des provinces centrales d’Anatolie, les adversaires des réformes l’ont remporté avec 51,1 % des voix. Mais c’est Istanbul, où résident 10 à 11 millions d’électeurs, qui détenait la clé du scrutin. La ville la plus peuplée du pays a rejeté les amendements à hauteur de 51,1 %. Les banlieues tentaculaires et en continuelle expansion d’Istanbul sont généralement pro-AKP, dans la mesure où la ville continue d’attirer les migrants originaires des autres provinces du pays à la recherche d’emplois et d’opportunités économiques. La population kurde de la ville, considérée comme la plus grande au monde en dehors des régions traditionnellement kurdes (bien qu’aucun nombre exact ne soit disponible), a également une tradition de vote en faveur des partis et causes pro-Kurdes. Les Turcs résidant dans plusieurs pays européens (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique) ont majoritairement voté pour la réforme constitutionnelle. L’hostilité affichée à l’égard d’Erdogan par les gouvernements et les médias européens s’est retournée paradoxalement en faveur du dirigeant turc.
Le principal parti d’opposition a toutefois déclaré que le scrutin avait été marqué par des irrégularités et a contesté les résultats, qui sont encore non-officiels. Les observateurs de l’OSCE (Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe) ont également émis des critiques sur plusieurs aspects du scrutin. Le processus électoral en amont du référendum a été marqué par un climat politique d’attrition et de violence verbale, le parti pro-gouvernemental accusant tout particulièrement ses opposants d’être des traîtres et des terroristes. Le résultat est également susceptible d’être remis en question en raison d’un processus électoral souvent décrié comme étant injuste. Les opposants aux amendements n’ont presque pas eu de temps de parole à la télévision, tandis que presque tous les radiodiffuseurs nationaux et locaux – à la fois publics et privés – n’ont pas hésité à diffuser les discours de campagne en faveur du passage à une présidence exécutive prononcés par le Premier ministre ou le président Erdogan.