Tabou et Zitout nouveaux jokers du général Toufik ?
Après le rejet de sa « feuille de route » par les Algériens, le pouvoir est dans l’impasse. Pour tenter de contourner le mouvement populaire et éviter un véritable changement, les détenteurs du pouvoir réel au sein de l’ « Etat profond » n’hésitent pas à mobiliser les réseaux de l’ex-DRS dissous et les fidèles du général Toufik, qui semblent avoir repris du service ces dernières semaines. La tactique consiste à infiltrer le mouvement populaire et à mettre en avant des personnalités politiques dont la crédibilité est moins entamée pour les utiliser au moment opportun dans le cadre de l’opération de relooking du système.
Le site proche des services français, Maghreb Intelligence, a lancé un véritable pavé dans la mare en dévoilant les noms des jokers que le général Toufik compte mobiliser dans le cadre de sa stratégie de reprise en main du mouvement de protestation populaire : « Parmi les personnalités approchées par les réseaux du général Toufik, nous retrouvons Karim Tabou, l’ancien responsable du FFS, un jeune tribun qui fait le buzz en ce moment en Algérie depuis le début du mouvement populaire. Le général Toufik voit en lui l’un des acteurs de la future transition qui doit se mettre rapidement en place. Mais le lobby du général Toufik ratisse large et s’étend jusqu’à l’étranger où il a tenté d’approcher Larbi Zitout, le fameux leader islamiste du mouvement Rachad, un opposant en exil qui suscite un engouement populaire sur Internet en raison de ses pamphlets populistes. Le général Toufik, assurent nos sources, voudrait bien le récupérer et l’inclure dans une feuille de route nationale pour concevoir l’Algérie post-Bouteflika. Le principal émissaire de l’ex-patron du DRS s’appelle Abdellah Djaballah, le vieux leader islamiste et ses compagnons travaillent régulièrement pour appliquer les conseils et agendas du vieux général algérien qui est en train de jouer un rôle stratégique dans le développement de cet immense mouvement populaire contre le régime de Bouteflika. »
L’information rapportée par le site français est d’autant plus crédible que plusieurs indices apparus durant ces dernières semaines tendent à la confirmer. L’agitation d’un Karim Tabou qui bénéficie d’une surmédiatisation dépassant de loin son envergure politique laisse penser à un plan communication concocté dans les laboratoires professionnels disposant de moyens conséquents. Même si le retour sur investissement n’est pas toujours à la hauteur des attentes comme l’illustre le dernier incident de Bordj Bou Arreridj quand des manifestants l’ont empêché de prendre la parole et l’ont invité fermement à quitter les lieux. Idem pour Mohamed Larbi Zitout du mouvement Rachad. Pour un soi-disant opposant « pur et dur » qui ne doit pas ignorer les véritables forces derrière l’ « Etat profond », il est bizarre qu’il concentre l’essentiel de sa haine contre le commandement de l’ANP et son chef, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, dont les positions nationalistes irritent ouvertement la France. Pour les observateurs qui connaissent bien les arcanes de la politique algérienne, en s’attaquant ainsi à Gaid Salah, qui est aujourd’hui le principal obstacle au « parti de la France », Mohamed Larbi Zitout fait – volontairement ou involontairement- le jeu du pouvoir et de la mafia politico-financière qui gravite tout autour. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit approché par les émissaires du général Toufik. Reste maintenant à savoir les motivations qui seraient derrière le jeu trouble de Abdallah Djaballah s’il se confirme.
Mustapha Senhadji