Libye : Le retour remarqué de la diplomatie algérienne
Les derniers développements de la crise libyenne, et les risques d’une guerre régionale ouverte aux conséquences humanitaires incalculables dont les pays voisins risquent de devoir prendre en charge l’essentiel du fardeau, ont poussé la diplomatie algérienne à reprendre sa place naturelle dans les efforts internationaux visant à contenir le conflit et à favoriser une reprise des pourparlers entre les protagonistes en vue de trouver une issue politique à la crise. Les efforts de la diplomatie algérienne ont été au centre de l’attention des observateurs internationaux durant ces dernières 48 heures. La rencontre du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avec le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez Al Siraj et le ministre turc des affaires étrangères, n’est pas passée inaperçue. Les déclarations du président algérien ont été décryptées par les analystes comme il se doit.
Pour Mohamed Tahar Bensaada, de l’Institut Frantz Fanon (Bruxelles), « Le retour remarqué de la diplomatie algérienne à l’occasion des derniers développements de la crise libyenne augure du fait que l’Algérie, qui vient de faire un grand pas dans la voie du dépassement de sa crise politique intérieure par l’élection d’un président de la république qui vient conforter la solidité des institutions de l’Etat algérien, est déterminée à défendre ses intérêts stratégiques dans la région« . L’analyste précise que le discours du président Tebboune le jour de la cérémonie d’investiture a dessiné les grands axes de la diplomatie algérienne face à la délicate question libyenne. « En insistant sur le fait qu’aucune solution à ce conflit ne pourrait ignorer l’Algérie, un pays voisin qui partage plus d’un millier de kilomètres de frontières communes avec la Libye, le président algérien a laissé entendre que l’Algérie n’accepte plus désormais d’être marginalisée dans le processus de recherche d’une solution à la crise dans la mesure où ce qui se passe dans ce pays voisin a des répercussions directes sur la sécurité nationale algérienne. Le message du président algérien est apparemment bien passé comme l’illustre l’invitation du président Tebboune par Angela Merlel en vue d’assister à la Conférence internationale sur la crise libyenne qui se tiendra bientôt à Berlin. »
Commentant les dernières déclarations du président algérien qui a dénoncé vigoureusement l’attaque qui a visé l’école militaire de Tripoli et affirmé que la capitale libyenne était une ligne rouge, le chercheur algérien a estimé que « l’Algérie n’a pas rompu avec sa ligne diplomatique traditionnelle basée sur une équidistance à l’égard des protagonistes de la crise mais elle a été amenée à l’adapter à la nouvelle donne sur le terrain qui est marquée par le fait que c’est le camp de Haftar qui est à l’origine de l’escalade actuelle par sa tentative de prendre par la force la capitale libyenne. C’est ce qui explique que l’Algérie ne semble pas inquiète outre mesure par l’intervention turque dans le dossier libyen tant que cette intervention ne dépasse pas la limite qui consiste à empêcher la chute de Tripoli. C’est ainsi qu’il faut comprendre la déclaration selon laquelle les deux parties (algérienne et turque) se sont entendues sur la nécessité de ne rien entreprendre qui puisse aggraver la situation en Libye. » « En déclarant que l’Algérie peut jouer un rôle décisif dans la baisse de la tension actuelle, le président du Conseil libyen ne pouvait pas mieux résumer l’apport de la diplomatie algérienne dans le cadre des efforts visant à solutionner cette crise » a conclu Mohamed Tahar Bensaada.
Mustapha Senhadji