La marginalisation du sud algérien au coeur de la révolte de Ouargla
La révolte des jeunes chômeurs de la wilaya de Ouargla est bien-sûr avant tout une révolte sociale de jeunes qui cherchent tout simplement le moyen de répondre dignement à leurs besoins fondamentaux. Mais en insistant sur le fait que leur mouvement est un mouvement « pour l’emploi et le développement », ces jeunes n’hésitent pas à lui donner un contenu politique évident. Ces jeunes font un lien direct entre leur situation sociale et la marginalisation dont est l’objet leur wilaya à l’instar d’autres wilaya du sud algérien. Sinon comment expliquer le chômage massif des jeunes dans la région qui constitue le poumon de l’économie nationale ( les puits de pétrole de Hassi Messaoud) ? D’ailleurs, les jeunes de la région ne le cachent pas. Ils expliquent leur chômage par le fait que les autorités locales préfèrent embaucher des employés issus des wilayas du nord du pays sous prétexte que les jeunes de la région ne sont pas qualifiés pour ces emplois. Les jeunes de la région rétorquent à cela en disant qu’à supposer que la raison invoquée soit fondée, comment expliquer le fait que les autorités n’aient pas pu régler ce problème depuis des années, voire des décennies ? Pourquoi n’ont-elles pas ouvert des centres de formation professionnelle dans la wilaya qui procure à l’Algérie l’essentiel de ses ressources en devises ?
La question de l’emploi renvoie directement à une autre question plus grave, celle qui a trait au déséquilibre régional qui continue de caractériser la politique économique et sociale en Algérie malgré des discours officiels qui prétendent le contraire. A chaque révolte, les responsables politiques font des promesses pour mettre un terme à la situation mais plusieurs années après, on se rend compte que la situation n’a pas changé. Pour la observateurs, la raison ne se trouve pas seulement dans la mauvaise volonté du gouvernement mais plutôt dans la résistance active d’une bureaucratie aux nombreuses ramifications locales. Une bureaucratie qui n’hésite pas à se comporter pratiquement comme une bureaucratie coloniale si on considère le mépris avec lequel elle traite les habitants de la région.
Cet état de fait, révoltant en soi dans la mesure où il contribue à créer des injustices sociales inadmissibles, est également dangereux d’un point de vue politique. En effet, la politique de ségrégation en matière de développement local risque à la longue de porter atteinte à l’unité nationale surtout que des puissances à l’affût n’hésiteront certainement pas à investir dans ce genre de conflits à caractère social en vue de le politiser et de l’instrumentaliser dans le but d’affaiblir l’Algérie. Plusieurs observateurs estiment que la révolte des jeunes chômeurs de Ouargla est un bon avertissement qui doit être pris au sérieux par le pouvoir. Au lieu de répondre par la répression à la révolte des jeunes chômeurs, le pouvoir algérien serait mieux avisé de se pencher sérieusement sur le dossier du développement des wilayas du sud et des Hauts-Plateaux. Cependant, d’autres observateurs estiment que la solution ne viendra pas d’un pouvoir otage d’une bureaucratie toute-puissante mais de la mobilisation pacifique des Algériens, à commencer par les citoyens du sud et des Hauts-Plateaux qui sont appelés à s’organiser pour faire admettre leur droit à la citoyenneté qui passe par un nouvel équilibre régional au profit des wilayas injustement marginalisées.
Mohamed Merabet