Tizi Ouzou : les services mettent en scène un grand emblème national
La dernière provocation en date du Makhzen visant directement l’unité nationale de l’Algérie est un acte suffisamment grave pour mériter une réaction unanime de toutes les forces vives de la nation où qu’elles soient. Mais c’est surtout dans la région qui était particulièrement visée par la provocation du Makhzen qu’on s’attendait à une réaction rapide et à la hauteur de l’évènement. Curieusement, il a fallu plusieurs jours pour assister à la publication d’un communiqué du FFS (le plus vieux parti d’opposition implanté dans la région) condamnant la sortie médiatisée du représentant du Maroc aux Nations Unies.
Plus récemment, nous avons assisté à un déploiement très remarqué d’un grand emblème national à Tizi Ouzou pour signifier l’attachement de la Kabylie à la sacro-sainte unité nationale. Dans une vidéo circulant sur la toile, on peut effectivement voir ce grand drapeau national porté par quelques dizaines de personnes aux côtés de citoyens qui continuent de porter fièrement le drapeau amazigh. Il est difficile d’interpréter cette image dans ces circonstances si particulières. S’agit-il de la coexistence pacifique de deux groupes de citoyens aux aspirations différentes, les uns attachés au drapeau national, les autres au drapeau kabyle ? ou s’agit-il plutôt de la coexistence pacifique des deux drapeaux, synonyme d’une coexistence pacifique des deux appartenances nationale et régionale à la fois ?
Dans la vidéo immortalisant cet évènement que ses commanditaires ont voulu « grandiose », il y a quelque chose de bizarre. La voix qui accompagne la vidéo ne s’adresse pas au Makhzen marocain mais interpelle plutôt les Algériens en leur disant « regardez ce que les Kabyles ont fait, ils ont confectionné le plus grand drapeau national jamais vu en Algérie ». On l’aura compris, les Kabyles sont plus nationalistes que tous les autres Algériens ! Pour les observateurs avertis qui connaissent bien les rouages du système en Algérie, ce déploiement de l’emblème national à Tizi Ouzou n’est qu’une mise en scène montée de toutes pièces par les services. Ce n’est pas un hasard si le général-major Mehenna Djebbar a été relâché et si le général Achour Ouaddahi a été rappelé à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Avec le concours des responsables locaux qui ont un pied dans la mouvance berbériste et un autre dans le pouvoir comme le président de l’APC de Tizi Ouzou, Ouahab Aït Mengellet, fraîchement élu sur une liste indépendante dans la nouvelle APN, ces généraux ont été chargés de reprendre le contrôle de cette région dont un grand nombre de jeunes semblent attirés par le radicalisme du MAK. Cependant, à force d’ignorer le problème posé par le particularisme kabyle au lieu de lui trouver une solution juste et démocratique dans le cadre d’une Algérie plurielle fondée sur un nouvel équilibre régional, cette ennième tentative de noyer le poisson pour continuer dans la politique de la fuite en avant ne fera que retarder l’implosion qu’il s’agit d’éviter à tout prix, pour la paix de tous les Algériens et pour la stabilité de toute la région.
Mustapha Senhadji