Analyse : Un taux d’abstention inquiétant que le pouvoir ne peut ignorer

Le pouvoir a réussi son pari de faire passer le projet de révision constitutionnelle. Les dépassements qui ont pu être enregistrés ici et là ne devraient pas remettre en question le résultat du scrutin dans sa globalité même si parmi les perdants, certains n’ont pas hésité à crier à la fraude dès l’annonce des résultats officiels. Cependant, le taux de participation au référendum, 23,7%, constitue un signal d’alarme que le pouvoir aurait tort d’ignorer. Si juridiquement rien ne permet de mettre en cause la nouvelle Constitution, le fait que celle-ci ait été adoptée par 3,5 millions d’électeurs sur un ensemble de 24 millions d’inscrits sur la liste électorale pose un sérieux problème politique sur lequel les plus hautes autorités du pays devraient plancher.

Pour les observateurs, le vote majoritaire en faveur de la nouvelle Constitution est avant tout un vote légitimiste émanant d’un électorat aux contours bien connus : des électeurs relativement âgés, résidant dans les wilayas de l’intérieur du pays, qui auraient voté pour n’importe quel projet constitutionnel émanant de l’Etat algérien dans la mesure où ils considèrent qu’il y va de la stabilité de l’Algérie. En revanche, le vote minoritaire contre le projet de révision constitutionnelle semble être un vote de défiance idéologique et politique. Cependant, le million et demi d’électeurs qui ont voté contre la nouvelle Constitution ne constitue guère un bloc monolithique. Outre une partie de la mouvance islamiste, des groupes nationalistes actifs sur les réseaux sociaux ont appelé à voter contre le projet.

De leur côté, les partis de l’ « Alternative démocratique » et les associations de la société civile qui ont appelé au boycott vont tenter de tirer la couverture à eux comme s’ils étaient pour quelque chose dans le boycott du référendum par l’écrasante majorité des électeurs. Dans la réalité, même s’ils ont appelé au boycott, ces partis doivent se frotter les mains tant l’adoption de la nouvelle Constitution ne peut que servir leurs desseins politiques. D’une part, le projet constitutionnel contient plusieurs articles qui vont dans le sens de ce qu’ils n’ont cessé de réclamer depuis plusieurs années. D’autre part, le fort taux d’abstention enregistré risque de pousser le pouvoir à toutes sortes d’ouvertures et de concessions, y compris la reconduction de la politique des quotas qui a toujours souri à ces partis minoritaires.

Mohamed Merabet