Benjamin Stora plaide pour une réconciliation franco-algérienne fondée sur un travail de mémoire long et patient

21.01.2025. La question de la mémoire est au coeur des tension diplomatique entre l’Algérie et la France même si d’autres facteurs à caractère géopolitique comme la question du Sahara occidental sont à prendre en considération. Dans un entretien accordé au magazine Le pèlerin, , l’historien français Benjamin Stora, auteur d’un rapport sur la question de la mémoire remis au président Macron, revient sur la question et le nécessaire travail de mémoire sur la longue durée en vue de favoriser une véritable réconciliation entre les deux pays.

Selon l’historien français, avant l’affaire de l’arrestation de Boualem Sansal, c’est le revirement du président Macron sur la question du Sahara qui explique l’escalade actuelle :  » L’an dernier, Emmanuel Macron a décidé d’appuyer le plan marocain sur le Sahara occidental. Or, Alger soutient les indépendantistes de la région. Cette position a mis le feu aux poudres. Elle est venue percuter le travail mémoriel entrepris après la remise de mon rapport. L’Algérie et la France entretiennent une relation peu ordinaire sur la scène diplomatique qui explique l’apparition régulière de points de tension. Des millions de personnes sur le sol français ont un lien avec l’Algérie. Ces différends ne peuvent donc pas se résumer à une question de politique étrangère, ils ont aussi une dimension de politique intérieure ».

Concernant la volonté de réconciliation du côté algérien, Benjamin Stora a affirmé : « Il est difficile d’estimer la position générale de la population algérienne sur toutes ces questions. Mais il ne faut pas sous-estimer la force du nationalisme local. En parallèle, il existe heureusement une réelle volonté de sortir de cette culture de guerre. » avant de reconnaître que l’instrumentalisation politique de la question de la mémoire existe des deux côtés.  » Reconnaître les exactions commises par la France entraîne, encore aujourd’hui, une levée de boucliers au sein d’une frange identitaire hexagonale » affirme l’historien français.

A ceux qui répètent qu’il faut sortir de la repentance perpétuelle, Benjamin Stora répond :  » Mais il n’y en a jamais eu ! Avec l’ouverture d’archives relatives à la guerre d’Algérie et la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, un militant du parti communiste algérien, nous démarrons à peine ce travail de mémoire. Si toutes ces avancées vont dans le bon sens, il reste beaucoup à faire. Les cimetières européens sont à l’abandon en Algérie et ils mériteraient d’être entretenus pour faire vivre cette mémoire. La France devrait aussi aider plus activement à décontaminer les sites des essais nucléaires qu’elle a menés en Algérie dans les années 1960″.

Pour ce qui est de l’Accord de 1968 que des personnalités de droite appellent à abroger, Benjamin Stora a dit :  » Il est présenté comme une mesure facilitant l’immigration. Or ce n’est pas le cas. Il a même été pensé pour être plus restrictif que les accords d’Évian, qui garantissaient la libre circulation entre la France et l’Algérie. En 1993, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, l’a même durci en supprimant l’octroi automatique de la nationalité pour les personnes nées en Algérie française. Revenir dessus ne changerait donc rien. » En conclusion, l’historien français a plaidé en faveur d’un travail de mémoire long et permanent  » dépasser la logique de l’affrontement et composer avec cette histoire commune si passionnée »

Source : Le pèlerin

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