Des manifestants réclament Ahmed Taleb El Ibrahimi

Durant les mobilisations de ce 11eme vendredi, les observateurs ont remarqué un fait nouveau. Il s’agit de l’apparition de banderoles appelant à désigner Ahmed Taleb El Ibrahimi pour diriger la période de transition. Fils du célèbre dirigeant de l’ Association des Oulémas musulmans, le cheikh Bachir El Ibrahimi, M. Taleb El Ibrahimi est un ancien militant de la cause nationale qui a connu la répression durant les premières années de l’indépendance avant d’être choisi par le défunt président Houari Boumediene pour diriger les ministères de l’information et de la culture et de l’éducation nationale. Sous la présidence de Chadli Bendjedid, il a été ministre des affaires étrangères. Il a démissionné en signe de protestation contre la répression sanglante d’octobre 1988. Par la suite, il sera remarqué pour son opposition au coup d’Etat du 11 janvier 1992 et son soutien à la volonté populaire, ce qui lui a valu le respect des cadres et militants de l’ex-FIS dissous et l’hostilité des minorités culturelles et idéologiques qui ont toujours contrôlé les appareils de l’Etat et les médias algérien.

Le fait que de nombreux manifestants à travers plusieurs wilayas choisissent M. Taleb El Ibrahimi pour diriger la période de transition est un signe selon les observateurs qu’il continue de bénéficier d’un grand respect en raison de son intégrité morale et politique. Mais c’est aussi un signe politique qui ne trompe pas sur le fait que le hirak populaire est travaillé en profondeur par des courants « islamo-nationalistes » plutôt que par des courants laïcs qui restent très minoritaires au sein de la société algérienne. Cependant, certains observateurs n’excluent pas que le choix de M. Taleb El Ibrahimi puisse être suggéré par des représentants de l’ « Etat profond » qui n’ont pas trouvé de meilleure alternative à opposer au commandement de l’armée et qui espèrent qu’ils pourront aisément exploiter son âge avancé et son état de santé pour continuer à tirer les ficelles derrière les rideaux comme ils ont toujours fait.

Par ailleurs, il faut noter qu’à côté du nom de M. Taleb El Ibrahimi, d’autres manifestants ont brandi le nom d’ Ahmed Benbitour. D’autres encore, moins nombreux, n’ont pas hésité à scander le nom du commandant Azzedine sans oublier ceux qui continuent à préférer Mustapha Bouchachi. Tout cela fait dire aux observateurs que vu l’absence de consensus au sein du mouvement populaire, l’option d’une instance transitoire cooptée sera difficile à réaliser. C’est ce qui explique l’attachement du commandement de l’armée à l’option constitutionnelle. Les observateurs ne voient pas comment le pays pourrait sortir de la crise actuelle si les principaux protagonistes n’arrivent pas à rapprocher leurs points de vue pour trouver une solution médiane susceptible de rassurer le peuple tout en sauvegardant la stabilité et la sécurité de l’Algérie.

Mustapha Senhadji