Un ancien ingénieur chimiste français sur un site nucléaire dans le Sahara algérien témoigne
France-Algérie : La déchirure Par Louis Bulidon
21.01.2025. La tension diplomatique actuelle entre l’Algérie et la France a plusieurs causes à caractère diplomatique et politique. Parmi ces causes, la question de la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux n’a pas moins d’importance que les autres causes stratégiques comme celle qui se rapporte au soutien de la France à la position marocaine sur le Sahara occidental. C’est dans ce cadre que nous avons jugé utile de reproduire cette contribution de Louis Bulidon, un ingénieur chimiste français qui a travaillé sur un site nucléaire dans le Hoggar. A ce titre, et même si nous ne partageons pas tout ce qu’il écrit, son témoignage n’en revêt que plus d’importance.
La France a occupé l’Algérie pendant 132 ans comme puissance coloniale. Le décret Crémieux en 1870 donne la nationalité Française à la communauté Juive installée au Maghreb bien avant la conquête arabe alors que la population algérienne continue à vivre sous le statut de l’indigénat. Il a fallu une guerre de plus de sept ans pour que l’Algérie devienne indépendante en 1962 entraînant le départ des Pieds-noirs ces immigrés venus d’Espagne et d’Italie tout autant que de la France qui n’eurent pas d’autre choix que la valise ou le cercueil.
La France a laissé aux Algériens un Sahara souillé durablement par les fuites radioactives d’essais nucléaires mal contrôlés à Reggane puis In Ekker qui se sont poursuivis de 1960 à 1966. Notre pays abandonna à leur sort d’irradiés villageois et nomades de la communauté Touareg. Leur cause de victimes ne fut jamais défendu tant du côté français qu’algérien.
La page de la guerre d’Algérie tournée les deux pays se séparèrent, l’Algérie se tournant vers le tiers monde dont elle se sentait solidaire et la France participant à la construction de l’Europe.Toutes les tentatives de la France pour renouer le dialogue furent lettre morte en particulier parce que l’Algérie n’était pas demandeur.
La France porte une lourde responsabilité pour la chape de plomb qu’elle a su maintenir sur les conséquences de ses campagnes d’essais nucléaires dans le Sahara et plus particulièrement dans le Hoggar avec la catastrophe de Béryl. Cinquante cinq ans plus tard les regards se tournèrent vers Emmanuel Macron le plus jeune président de la cinquième République et qui n’avait pas eu à prendre fait et cause à propos de l’indépendance de l’Algérie.
Macron se lança dans un travail mémoriel commencé avec la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement de l’époque et de l’armée dans l’assassinat de Maurice Audin ce jeune mathématicien militant pour l’indépendance de l’Algérie. Une suite fut donnée à ce travail de réconciliation avec le peuple algérien en demandant à Benjamin Stora bon connaisseur de la présence française en Algérie de remettre au Président de la République un rapport avec des recommandations pour améliorer nos relations avec ce voisin encore si proche de nous.
Remis en janvier 2021 au président le rapport de Benjamin Stora fait l’impasse sur les séquelles laissées à l’Algérie par l’utilisation du Sahara pour l’expérimentation de notre bombe atomique. L’Algérie est en droit de demander des réparations à la France qui s’en défend.
Aujourd’hui Macron n’a plus les yeux tournés sur l’Algérie avec des gestes de réconciliation alors qu’il vient de prendre fait et cause pour la revendication du Maroc sur le Sahara Occidental au mépris des intérêts de l’Algérie. Ce n’est pas encore avec ses chaudes félicitations au président Abdelmadjid Tebboune pour sa réélection que Macron créera les conditions d’un nouveau partenariat avec l’Algérie
Louis Bulidon, Ingénieur chimiste, retraité d’ExxonMobil, Louis Bulidon est un actionnaire actif depuis 20 ans. Il est aussi l’auteur du livre « Les irradiés de Beryl» publié aux Editions Thaddée. Il y témoigne de son affectation en Algérie sur un site d’essais nucléaires dans le désert du Hoggar.
Source : Le club de Médiapart, 12/09/2024
