La poétesse algérienne Alima Abdhat et le pouvoir des mots face à l’injustice et à la barbarie
10.03.2024. Vivre pleinement sa vie dans l’ouverture, le partage et le respect des autres est une valeur universelle, érigée sur le socle du vivre ensemble et de l’humanisme que l’auteure Alima Abdhat prône dans ses poésies qui se dressent telle une tribune pour revendiquer le bien être, dénoncer l’injustice et rappeler la profondeur historique de l’abjection et la barbarie sioniste.
Dans un récent entretien accordé à l’APS, à l’occasion de la parution aux éditions Anep de, « Telle une chair tatouée », son dernier recueil de poésie conçu dans l’élan d’un bel hommage au pouvoir des mots, Alima Abdhat livre sa vision d’intellectuelle engagée sur, entre autre, le rôle de la poésie à permettre à l’individu de méditer sa condition, miroir de celle de l’autre, et bien la saisir pour se résoudre ensuite à aller de l’avant et tenter de pousser au changement, défiant les contre-courants de l’adversité. Ainsi, pense-t-elle, la poésie est un « Appel », mais au sens d' »aspiration », « mobilisation » ou encore de « revendication », qu’elle tente de traduire à travers le lyrisme de la poésie, dont le rôle serait de « rompre les digues et dégivrer les mers intérieures » en chaque individu, estimant que le droit à disposer de sa vie est « le fondement même de la liberté humaine » tout en se gardant, de tout « individualisme » isolant car, précise-t-elle, « nous vivons avec les autres ». Parlant de son dernier recueil, l’auteure explique qu’il est présenté comme une « illustration cinématographique », une métaphore consistant à « recueillir des images et impressions disparates, oubliées et reléguées voire refoulées aux arrière-plans, mais qui demeurent indélébiles comme des tatouages sur une chair (d’où le titre du recueil) » qu’elle a tenté d’ordonner au mieux dans un montage de « rushes » récupérés des « fonds de tiroirs de la mémoire » pour les rendre en cinq thématiques complémentaires d’une même vision existentielle.
« Les raisons qui motivent un auteur à écrire et publier sont celles-là même qui poussent un cœur à battre : la vie » a encore souligné la poétesse en réponse à une question sur l’acte d’écrire et les raisons de la publication, justifiant ses choix entre prose et texte versifié par la « présence de logiques de sens, de sonorité et de rythme intrinsèques à une poésie, qui exigent même parfois, un agencement graphique ». « Imposer une forme en prose ou en vers à un poème au mépris de sa texture, c’est le tuer et il n’en restera, au mieux sur la feuille -devenue linceul-, qu’un fœtus avorté », a-t-elle martelé. Evoquant la « frustration d’un ressourcement inachevé dans la langue arabe classique », la poétesse rappelle son attachement naturel à ses racines, précisant que dans ses poésies, l’utilisation du Français n’intervenait que sur le plan formel, c’est à dire celui de la langue, alors que le discours, lui, est entièrement dédié à la Culture et au terroir algériens. « Ecrire et lire n’est en fait que penser et panser », affirme Alima Abdhat qui relève que les tourments et les souffrances étaient communs à l’auteur et au lecteur, et que l’appel à la vie et au partage, exigeait de rappeler la profondeur historique de la blessure palestinienne qui vit au rythme des génocides et des crimes de guerre, lâchement perpétrés par l’armée terroriste de l’entité sioniste.
Dans « L’oiseau du soleil », une des poésies poignantes de son dernier recueil, Alima Abdhat rappelle, à qui voudrait bien l’entendre, la détresse absolue du peuple palestinien par la voix d’un oiseau qui dit « venir d’un pays où les chemins sont des entonnoirs menants tous à un Mur … ». Un pays, poursuit-t-elle, « où le ciel est un dôme de fer bleu tel un orage, hanté de dragons furtifs qui chuintent à briser le Mur du son, se repaissent du sang de la terre, des arbres, des sources, des humains, Hommes, femmes, enfants, nourrissons, fœtus réduits au destin d’insectes emmurés, grouillant dans le labyrinthe ». Dans un plaidoyer poétique aux vers libres déployés tel un réquisitoire à l’esthétisme révolté, Alima Abdhat énumère les chefs d’accusations sur lesquels les criminels de l’entité sioniste doivent répondre devant la justice et l’histoire (APS)