Ramtane Lamamra qualifie la conquête d’Alep de « victoire contre le terrorisme »
Les élucubrations d’un ancien fonctionnaire européen qui s’est permis de pronostiquer un scénario à la syrienne en Algérie ont fait réagir Ramtane Lamamra. « Certes, il est aisé pour quiconque de dire ou d’écrire ce qu’il pense mais la situation à Alep est incomparable« , a soutenu M. Lamamra considérant que de « telles sornettes ne méritent pas qu’on s’y arrête« . Auparavant, l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, Amar Belani, avait répondu en détails à l’article en question. Cependant, M. Lamamra ne s’est pas contenté de réagir à la désinformation d’un ancien fonctionnaire aux motivations inavouées. « A Alep, l’Etat syrien a réussi à recouvrer sa souveraineté et à reconquérir la ville« , a ajouté M. Lamamra relevant que « les auteurs de la déclaration de Bruxelles misaient sur le triomphe du terrorisme dans cette ville et ailleurs« . « Devant la défaite du terrorisme à Alep, ils croient pouvoir transposer leur fantasme en Algérie« , a affirmé M. Lamamra.
Au lendemain de la déclaration de M.Lamamra, un autre diplomate algérien, le commissaire du Conseil de la paix et la sécurité (CPS) auprès de l’Union africaine, Smail Chergui, a estimé, lundi à Oran, que ce qui se passe en Syrie (Alep) est « une nouvelle victoire contre le terrorisme« . La position diplomatique de l’Algérie est connue pour être attachée à la souveraineté des Etats et pour être opposée à toute forme d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats, en privilégiant notamment le recours à la résolution pacifique des conflits. En Syrie, la diplomatie algérienne a toujours milité pour une solution négociée entre le régime et l’opposition loin des ingérences étrangères. Mais en réduisant ce qui se passe à Alep, et en Syrie plus généralement, à « une guerre contre le terrorisme », M. Lamamra risque de donner l’impression que l’Algérie a pris position dans un conflit interne au profit d’un régime qui est loin d’être irréprochable.
Pour Mohamed Tahar Bensaada, de l’Institut Frantz Fanon, « La diplomatie algérienne est rudement mise à l’épreuve en Syrie. Sa position traditionnelle en faveur de la résolution pacifique des conflits pouvait avoir un sens au début mais par la suite, les interventions étrangères de part et d’autre ont dénaturé le conflit et lui ont donné une dimension régionale et internationale avérée. L’intervention directe de la Russie dans un contexte marqué par l’effacement des Etats-Unis et de ses alliés européens a créé une situation inédite. L’Algérie ne pouvait se mettre à dos son principal fournisseur d’armements, la Russie. Cependant, en réduisant ce qui se passe à Alep, et en Syrie plus généralement, à une guerre contre le terrorisme, le chef de la diplomatie algérienne a fait dans un raccourci qui est loin de refléter la complexité de la situation qui prévaut dans ce pays martyrisé suite à plusieurs interventions étrangères aussi condamnables les unes que les autres. Monsieur Ramtane Lamamra nous a habitués à un discours plus subtil et plus nuancé. Même si la raison d’Etat incombe à l’Algérie de ne pas trop se distinguer de son partenaire russe, la diplomatie algérienne devrait faire preuve d’une plus grande neutralité positive face à un conflit autodestructif dans lequel la population civile est prise en otage entre des protagonistes soutenus par des puissances étrangères rivales qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. L’Algérie a des atouts pour jouir de la confiance des principaux protagonistes et pour jouer un rôle plus dynamique dans la recherche d’une solution politique négociée si elle sait garder l’équidistance souhaitée.»