Le dirigeant du MAK, Ferhat Mehenni, condamné à la réclusion à perpétuité pour « terrorisme »

23.05.2023. Il y a une semaine, le tribunal criminel de première instance de Dar El Beida (Alger) a condamné, par contumace, le président du mouvement séparatiste « MAK », Ferhat Mehenni, à la réclusion à perpétuité et confirmé le mandat d’arrêt international émis à son encontre pour les chefs d’inculpation de « constitution d’un groupe terroriste pour porter atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale ».

Le même tribunal a condamné dans la même affaire l’accusé Mahdeb Sofiane à une peine de trois ans de prison ferme. Les accusés dans cette affaire sont poursuivis également pour « utilisation des technologies de l’information et de la communication pour soutenir des actes et activités terroristes, tentative de renverser le système de gouvernance par des moyens inconstitutionnels et dénigrement du dogme de l’Islam ».

Les postions indépendantistes de Ferhat Mehenni et du MAK portent atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie et à l’unité nationale et sa collusion avec des puissances étrangères (Israël, Maroc) met en cause la sécurité nationale du pays mais est-ce une raison suffisante pour criminaliser les activités du MAK ? Les dirigeants algériens semblent avoir du mal à faire la part des choses entre les reproches politiques légitimes qu’ils peuvent faire au MAK et les accusations graves de « terrorisme » qu’ils cherchent à lui coller au dos. En tout cas, l’Etat algérien aura du mal à convaincre ses partenaires internationaux de la qualification de « terrorisme » attribuée au MAK tant qu’il n’avance pas des preuves tangibles dans ce sens. Le dernier rapport du Département d’Etat US qui a refusé de classer le MAK dans la liste des organisations terroristes a été, à cet égard, un camouflet pour la Justice algérienne et aussi pour la diplomatie algérienne qui a été instrumentalisée dans une bataille perdue d’avance.

La question posée par le MAK est autrement plus sérieuse que ce qu’en pensent les dirigeants algériens qui refusent de regarder la cruelle réalité en face. La question posée par la Kabylie est une question politique et mérite d’être traitée comme telle. La criminalisation du mouvement nationaliste kabyle ne résoudra pas le problème. Une réflexion sérieuse et un débat public sur la question s’imposent. L’objectif étant d’arriver à une refondation politico-administrative de l’Etat algérien qui tienne compte des tendances exprimées par la société dans sa diversité régionale. Certes, le MAK est allé trop loin dans sa revendication identitaire en passant de l’autonomie au séparatisme. Mais la responsabilité de cette grave dérive politique est partagée. Il est encore temps d’envisager une solution démocratique qui puisse satisfaire à la fois la revendication régionaliste kabyle -si elle est soutenue par la majorité de la population de Kabylie- et le principe du respect de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale tel qu’il a été formulé par les textes fondamentaux du Mouvement national algérien, par les différentes chartes du FLN et par la Constitution.

Mohamed Merabet