Le CREA de Kamel Moula est-il devenu un FCE bis ?

03.10.2023. On se rappelle tous comment l’ex-FCE (Forum des chefs d’entreprise) du sinistre Ali Haddad était devenu le paravent d’une bande de prédateurs qui ont fait main basse sur de larges secteurs de l’économie nationale dans les dernières années d’un président diminué par la maladie et pris en otage par son frère Said. Ali Haddad et ses comparses sont actuellement en prison et sa bande a été démantelée. Mais de nombreux observateurs commencent à se poser la question si le nouveau syndicat patronal dénommé Conseil pour le renouveau économique algérien ( CREA) n’est pas en train de devenir sous la direction de l’homme d’affaires Kamel Moula un FCE bis ? Avec les mêmes appétits et les mêmes méthodes.

Visiblement, la question n’est pas déplacée. Après la révolte de la présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Saida Neghza, qui a osé interpeler le président de la république sur les pratiques économiques en vigueur sans citer directement le CREA et son président, voilà un autre homme d’affaires connu et qui est membre cette fois de ce même CREA qui s’insurge publiquement contre le président de son organisation patronale et l’accuse tout simplement de prendre en otage cette organisation à des fins personnelles. Il s’agit de Hassen Khelifati, fondateur d’Alliance Assurances, l’un des plus importants groupes privés dans le secteur des Assurances depuis 2006. Diplômé en finance de l’École supérieure de commerce (ESC) d’Alger et titulaire d’un MBA en marketing décroché au Québec, Hassan Khelifati fut un ancien membre du Forum des Chefs d’entreprises (FCE), l’organisation présidée par Ali Haddad de 2014 jusqu’à 2019, et transformée à partir de 2020 en Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC). Le patron d’Alliance Assurances est également membre du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care) et il fut l’un des cadres fondateurs du CREA en février 2022. Il était même l’un des candidats à sa Présidence avant que Kamel Moula ne prenne le poste avec le soutien des décideurs.

Malgré un poste de vice-président de l’organisation qui s’est avéré par la suite un simple poste honorifique, Hassan Khelifati s’est rendu compte qu’il était systématiquement écarté de toute activité sérieuse du CREA comme par exemple tout ce qui touche aux relations avec la présidence et le gouvernement. Mécontent de la situation, l’homme d’affaires s’est adressé le 16 septembre dernier à Kamel Moula et à l’ensemble des cadres dirigeants du CREA pour leur faire part de sa décision de se retirer de son poste de Vice-Président en guise de protestation contre la gestion quasi féodale imposée par Kamel Moula et son équipe. « Mon engagement, mon histoire et ma conscience ne me laisse pas insensible ni passif par rapport à un ressenti collectif de démobilisation et d’incompréhension et que jusqu’à maintenant aucune tentative de l’éclaircir ou le dissiper n’a été entreprise. Ma lettre n’est ni une tentative de déstabilisation, ni un mouvement de contestation de l’autorité au niveau du bureau et de notre syndicat. Je considéré que ma conscience et ma responsabilité m’obligent d’alerter et d’éclairer M le Président sur un ressenti de frustration au sein des membres de bureau pour agir avant qu’il ne soit trop tard et essayer de corriger et réduire la démobilisation grandissante et la déception d’une majorité silencieuse qui n’ose pas s’exprimer publiquement » écrit l’homme d’affaires déçu.

« Notre association subit des attaques et nous sommes par ricochet des dommages collatéraux. Notre président et certains membres dont moi-même subissent des attaques violentes sur les Réseaux Sociaux, nos photos sont exhibées et une manœuvre de déstabilisation certaine est en marche et on ne peut y faire face qu’on étant solidaire et que la confiance revient entre nous de nouveau. Notre association a été impliquée à son corps défendant dans une tourmente qui la dépasse » sous-entendant notamment les conséquences désastreuses de la « proximité’ de cette organisation avec le pouvoir qui l’utilise aujourd’hui comme le régime Bouteflika a utilisé dans le passé le FCE.

Hassen Khelifati semble avoir l’illusion de corriger les choses à l’intérieur du CREA. Ce faisant, il semble sous-estimer les appétits voraces de la bande qui a pris le contrôle de cette organisation avec la complicité de certains décideurs qui attendent en contrepartie le soutien de cette organisation dans la campagne pour le second mandat. Khelifati n’hésite pas à jouer la carte de la « solidarité corporatiste » des membres du CREA contre ceux qui les mettent en cause (sous-entendu les autres organisations patronales), ce qui est la pire des stratégies pour un homme d’affaires soucieux de servir les intérêts de l’entreprise algérienne. Les hommes d’affaires qui se sentent lésés par le comportement quasi-mafieux de ceux qui cherchent à privatiser une organisation patronale censée servir les intérêts de tous ses membres doivent au contraire mettre sur la place publique leurs réclamations et doléances et exiger de l’Etat algérien un traitement équitable de toutes les demandes d’investissement, de crédit et de transaction commerciale.

Mustapha Senhadji