Le retrait de l’armée russe de Kherson : revers stratégique ou simple repli tactique ?

12.11.2022. Les troupes russes ont achevé leur retrait, vendredi 11 novembre, de la rive droite du Dniepr. La propagande ukrainienne et les médias occidentaux exultent. Le quotidien français Le Monde parle d’une « défaite militaire majeure pour Vladimir Poutine et son régime » et se permet d’écrire :  » L’Ukraine a repris aux Russes la ville de Kherson vendredi. » alors que tout indique l’armée russe a commencé à préparer son retrait de la rive droite du Dniepr depuis au moins trois semaines comme l’ a confirmé dans son bulletin d’information quotidien sur la guerre en Ukraine le ministère de la défense du Royaume-Uni qui a fait remarquer la rapidité du départ des forces russes, achevé « seulement deux jours après son annonce ». « Le processus de retrait avait probablement déjà commencé dès le 22 octobre 2022, lorsque des représentants installés par les Russes à Kherson ont exhorté les civils à quitter la ville », ont conclu les services de renseignement militaire britannique.

Le communiqué britannique ajoute qu’ « Il est tout à fait possible que des équipements et des forces militaires russes en tenue civile aient été évacués en même temps que les 80 000 civils déclarés évacués au cours des dernières semaines ». Par ailleurs, les soldats russes ont « certainement détruit des ponts routiers et ferroviaires » sur le Dniepr pendant leur retrait, ce qui fait penser à un retrait calculé d’avance qui ressemble fort à un « redéploiement militaire » selon les termes employés par le Ministère de la défense russe. « A 05H00 de Moscou (02H00 GMT), le redéploiement des unités de soldats russes sur la rive gauche du fleuve Dniepr a été achevé », a annoncé le ministère russe de la Défense, assurant n’avoir subi aucune perte, ni abandonné de matériel militaire.

De leur côté, le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov et le fondateur de Wagner PMC, Yevgeny Prigozhin, qui passent pour être les « faucons » du côté russe, ont approuvé la retraite de Kherson, le premier la qualifiant de « choix difficile mais sûr entre des sacrifices insignifiants pour des déclarations bruyantes et sauver la vie inestimable de soldats. » Le fait que les forces russes aient passé plusieurs semaines à construire des fortifications sur la rive est du Dniepr avant l’annonce de la retraite, mettant ainsi en place une position de défense plus confortable tend à confirmer cette analyse. Ceci dit, le retrait de l’armée russe de Kherson constitue indéniablement une victoire tactique pour l’Ukraine qui marque ainsi un ascendant psychologique certain dans une guerre où le moral des troupes et des populations compte beaucoup. Surtout qu’il s’agit de la seconde retraite d’ampleur de l’armée russe après le repli en septembre de la région de Kharkiv (nord-est). Les prochains mois nous diront si la retraite de Kherson n’a été finalement qu’un stratagème militaire pour permettre à l’armée russe de mieux se regrouper sur l’autre rive pour mieux se défendre et envisager une éventuelle contre-offensive.

A. Boussouf