Le témoignage tardif de Khaled Nezzar contre Saïd Bouteflika
Dans un entretien au quotidien Algérie patriotique, le général à la retraite, Khaled Nezzar, a révélé au grand jour des confidences que lui aurait faites Saïd Bouteflika lors de deux contacts qu’ils avaient eus durant le mois de mars dernier. Le premier contact a eu lieu le 7 mars. Khaled Nezzar aurait rencontré Saïd Bouteflika à la demande de ce dernier qui lui demandait des « conseils » sur la marche à suivre pour faire face au mouvement populaire. Celui que certains Algériens appellent « le boucher d’octobre 1988 » se serait découvert une âme de démocrate puisqu’il n’a pas hésité à faire à Saïd deux propositions: la première consiste en une période de transition de six à neuf mois au bout de laquelle le président Bouteflika présenterait sa démission, la seconde passait par le retrait du président Bouteflika soit par démission soit par invalidation du Conseil constitutionnel. Saïd a préféré bien-sûr la première solution mais à la question de Nezzar « que feriez-vous si la proposition était rejetée par le peuple ? « , Saïd aurait rétorqué qu’il ne voyait pas d’autre réponse que de décréter l’état d’urgence ou l’état de siège. Nezzar l’aurait mis en garde contre les conséquences d’une pareille décision.
Le second contact entre les deux hommes, téléphonique cette fois-ci, a eu lieu le 30 mars, soit trois jours avant l’ultimatum lancé par le chef de l’armée algérienne, suivi par la démission du président Bouteflika. Dans cet entretien téléphonique, Saïd Bouteflika aurait avisé le général Nezzar de son intention de limoger le chef d’état-major de l’ANP. Nezzar l’en aurait dissuadé par peur de disloquer l’armée. Le témoignage tardif du général Nezzar a suscité de nombreux commentaires de la part des observateurs qui suivent de près la crise actuelle.
Les observateurs insistent sur plusieurs points : 1) Le fait que Saïd Bouteflika ait demandé conseil à Khaled Nezzar prouve que ce dernier, même à la retraite, continue de jouer un rôle discret mais important dans la vie politique, aux côtés d’autres personnalités influentes, qui sont par ailleurs ses amis, comme les généraux à la retraite Touati et Toufik. Quand on parle de « forces non constitutionnelles », il n’y a pas que Saïd Bouteflika. Il y a aussi tous ces anciens généraux qui ont continué et continuent jusqu’à ce jour à jouer un rôle trouble derrière les rideaux. 2) Quoiqu’en dise Nezzar, Saïd Bouteflika a bien suivi son premier conseil puisqu’il a tenté de prolonger le 4eme mandat avec la promesse d’organiser une « conférence nationale inclusive ». C’est le peuple et l’ANP qui ont rejeté cette solution anticonstitutionnelle. 3) Comme par hasard, le second conseil de Nezzar (à savoir l’organisation d’une transition extraconstitutionnelle avec une instance cooptée) est celui-là même que nous retrouvons aujourd’hui dans la bouche de tous les pseudo-démocrates qui réclament une « période de transition » et une instance présidentielle cooptée, c’est-à-dire tout et n’importe quoi sauf le passage par le suffrage universel qui fait trembler les minorités qui veulent continuer à diriger malgré et contre la volonté populaire ! En d’autres termes, les Bouchachi, Tabou et Hanoune, et ceux qui suivent bêtement leurs slogans, n’ont rien inventé. Ils ne font que clamer haut et fort ce que leurs parrains, les généraux Nezzar, Touati et Toufik, leur dictent dans les coulisses.
Mustapha Senhadji