Les Sahraouis peuvent-ils prendre exemple sur les Houthis yéménites ?
L’emploi par l’armée marocaine de drones dans sa guerre contre les combattants du Front Polisario constitue selon les observateurs un tournant important dans ce conflit. En effet, l’introduction de drones armés dans les conflits modernes constitue un casse-tête y compris pour les armées des pays développés qui penchent actuellement sur de nouvelles technologies anti-drones. Ces technologies demandent des moyens conséquents qui dépassent de loin ceux du Front Polisario. La situation sera encore plus critique lorsque le Maroc aura reçu ses Reaper de la part des Etats-Unis comme cela est planifié. La DCA du Polisario risque d’être tout simplement dépassée dans une telle configuration même s’il ne faut pas exagérer le rôle de ce nouvel élément dans l’issue finale du conflit. Malgré cette nouvelle donne, les experts militaires continuent de penser que le Front Polisario n’est pas sans moyens face à la nouvelle escalade marocaine. Au lieu de se concentrer uniquement sur les moyens de défense anti-aériens, le Front Polisario a devant lui un autre choix plus efficace et moins coûteux : développer une stratégie offensive sur le modèle de celle qui a été adoptée par les combattants Houthis au Yémen.
Cette stratégie est basée sur le développement de plusieurs types de drones qui, malgré leur caractère rustique, montrent de réelles performances sur le terrain et sont devenus une véritable bête noire pour l’Arabie saudite. Même si la propagande saoudienne et américaine accuse régulièrement l’Iran de livrer ces drones aux Houthis, il semble bien que ces derniers soient arrivés à fabriquer leurs propres drones avec des composants d’origine étrangère faciles à trouver sur le marché international. Ces composants sont introduits en contrebande par la frontière avec Oman dans la province orientale d’Al-Mahra et par des petits ports le long de la mer Rouge, de la mer d’Oman et du golfe d’Aden, selon un rapport du groupe de réflexion Center for Strategic and International Studies (CSIS), basé à Washington. Un rapport de l’ONU datant de 2019 va dans le même sens en soutenant que les Houthis « ont conservé un accès depuis l’étranger aux composants critiques, tels que les moteurs et les systèmes de guidage ». Malgré leur « modestie » relative, les drones des Houthis ont pu atteindre des installations pétrolières du géant saoudien Aramco, qui ont réduit temporairement de moitié la production du royaume. Selon l’Arabie saoudite, au moins 45 attaques de drones ont visé le royaume depuis le début de l’année, dont trois ont touché des installations pétrolières et des aéroports dans le sud, dans l’est et même dans la capitale Ryad, pourtant située à quelque 1.000 km de la frontière yéménite.
Le drone des Houthis le plus avancé est le Samad-3, qui peut être équipé de 18kg d’explosifs. Sa portée est de 1.500 kilomètres et sa vitesse de pointe de 250 km/heure. Viennent ensuite les Qasef-1 et Qasef-2, avec une portée de 150 km pour une charge de 30 kg d’explosifs. En mars, les Houthis ont dévoilé sept nouveaux types de drones, sans préciser leur portée ni leur puissance. Ils ont notamment présenté une nouvelle version de leur drone le plus sophistiqué, le Samad-4. Les Houthis disposent également de drones de reconnaissance de courte portée comme le Rased (35 km), le Hudhhud (30 km) et le Raqib (15 km). Ces appareils utilisent un GPS et « volent de manière autonome le long de points de repère préprogrammés vers leurs cibles », selon les experts du CSIS dans un rapport publié en 2020. Côté saoudien, le système de défense antimissile américain Patriot enregistre un bilan mitigé en matière d’interception de projectiles en provenance du Yémen dans la mesure où il a des difficultés à repousser les drones volant à basse altitude, selon des experts militaires. Avec ses nombreux universitaires formés durant ces dernières décennies tant en Algérie qu’en Espagne et à Cuba, le Front Polisario est tout à fait capable de suivre l’exemple des Houthis et de renverser le rapport des forces en sa faveur dans la nouvelle guerre des drones qui s’annonce dans la région.
A. Boussouf