Pourquoi la France a-t-elle soutenu les décisions de Bouteflika ?
La France a été le premier pays à réagir positivement à l’annonce par le président Bouteflika de reporter l’élection présidentielle. Quelques heures après cette annonce, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a salué la décision du président Bouteflika sans se soucier du fait que la Constitution algérienne ne prévoyait pas un tel report en dehors des circonstances exceptionnelles de l’état de guerre ou d’un danger imminent menaçant la nation. Le lendemain le président Emmanuel Macron a réitéré ce soutien en exprimant le souhait de voir la période transitoire durer le moins possible. Une façon de modérer l’enthousiasme exprimé par son ministre des affaires étrangères la veille.
Depuis Djibouti, où il se trouve en voyage officiel, Emmanuel Macron a commenté l’évènement : « Je salue la décisions du président Bouteflika qui signe une nouvelle page » dans l’histoire algérienne. Le président français a aussi appelé à « une transition d’une durée raisonnable », ce qui a fait dire au journaliste français Nicolas Beau : « Ce qui, en langage diplomatique, équivaut à un chèque en blanc« . Le journaliste français n’a pas manqué de souligner au passage le fait que le soutien français au régime Bouteflika tranche avec la prudence américaine : » On remarquera que la diplomatie est nettement plus attentiste face à ce qui apparait comme un tour de passe -passe du clan Bouteflika. Aucune déclaration n’est venue saluer la décision du président algérien de ne pas se représenter et de reporter les élections à une date indéterminée , en ne tenant aucun compte de la constitution ni des usages politiques en vigueur en Algérie. »
Les observateurs s’étonnent du soutien français à ce qu’ils considèrent être une manœuvre dilatoire du régime Bouteflika qui rencontre d’ores et déjà le rejet de larges secteurs au sein de l’opinion publique algérienne comme l’illustre la reprise des marches populaires appelant à un changement de système. Le soutien français au clan Bouteflika qui a été très mal reçu par les jeunes Algériens sur les réseaux sociaux ne peut s’expliquer selon les observateurs que par la crainte de voir une convergence entre le mouvement populaire et l’armée algérienne dans le cadre d’une transition démocratique facilitée par un gouvernement d’Union nationale dans la mesure où une telle convergence risque d’isoler une fois pour toutes les élites minoritaires sur lesquelles compte la France pour perpétuer son hégémonie politique, économique et culturelle en Algérie.
Mohamed Merabet