Un exercice tactique de l’ANP effectué par la 40e Division d’infanterie mécanisée suscite des interrogations
11.05.2023. Le site spécialisé dans les questions militaires Mena Defense a relayé l’information donnée par le service de communication de l’armée algérienne au sujet d’un exercice tactique supervisé par le chef d’état major de l’ANP à l’occasion d’une visite d’inspection à la 3e Région Militaire (Bechar) Comme c’est devenu une habitude, l’exercice ea été très médiatisé en Algérie. Si le site en question s’est gardé de commenter l’exercice, ce dernier n’a pas échappé à la critique des observateurs.
» L’exercice tactique El Fassl 2023 qui a eu lieu aujourd’hui au polygone d’essai de Hemmaguir qui dépend de la 3e Région militaire a simulé une riposte à une attaque visant l’Algérie avec tentative d’incursion d’une armée étrangère, qui sera repoussée. » peut-on lire sur le site qui précise que « L’exercice a été mené par la 40 e Division d’Infanterie Mécanisée qui a été appuyée par des unités interarmes de différentes forces, dont un régiment de S300PMU(X), un régiment de guerre électronique CHL-906, des Su-30 MKA ravitaillés par un Il-78, des hélicoptères d’attaque Mi-28NE et des hélicoptères d’assaut Mi-171. La 40e DiM s’est appuyée sur ses T-55AMV et ses BMP2 Berezhok pour repousser l’ennemi, qui avait été préalablement été engagé par une unité de gardes frontières. L’artillerie a appuyé cette contre-offensive« .
Nous avons interrogé des officiers de l’ANP qui ont quitté le service actif depuis quelques années pour leur demander leur opinion sur l’exercice en question. Les réponses sont assez critiques même s’ils tiennent par ailleurs à affirmer l’intérêt de ce genre d’exercices pour tester l’état de préparation et de disponibilité des unités au combat. Les critiques avancées concernent aussi bien l’équipement employé lors de l’exercice que la tactique suivie par le commandement dans le cadre de la simulation d’une contre-offensive d’envergure. En ce qui concerne l’équipement, le grief est toujours le même depuis quelques années. Comment se fait-il que le régiment blindé de la 40e DIM continue de se servir du char T55 qui date de l’ère soviétique même s’il a été modifié et modernisé dans les ateliers de la BCL ? Les anciens équipements modernisés ont-ils leur place en première ligne ? Dans le cadre de l’engagement des Su-30 MKA et des hélicoptères d’attaque Mi-28, l’absence de pods de désignation de cibles et de munitions guidées est tout simplement incompréhensible dans un exercice simulant une contre-attaque conventionnelle. L’équipement individuel qui laisse à désirer devrait être revu pour une meilleure protection des soldats dans un conflit de haute intensité.
Mais la question de l’équipement n’est pas la seule à susciter l’interrogation et l’inquiétude. La tactique perceptible à travers les exercices des différentes unités de l’ANP de ces dernières années laisse apparaître une certaine rigidité qui contraste avec les exigences posées par les évolutions enregistrées sur les différents théâtres d’opération. Le commandement de l’ANP continue d’employer les forces comme si la guerre en cours en Ukraine n’a pas eu lieu et pourtant cette dernière est très riche en enseignements tactiques. Le premier enseignement de cette guerre est l’importance désormais prioritaire accordée par les deux belligérants à l’artillerie et aux drones. Or, cette donne semble complètement oubliée par le commandement de l’ANP dans les derniers exercices. L’erreur est d’autant plus impardonnable que les armes qui font ravage sur le théâtre d’opérations ukrainien, à savoir le MLRS américain HIMARS et le drone turc Bayraktar- T2 sont (ou seront bientôt) présents en face.
Une contre-offensive comme celle simulée lors de l’exercice FASL devrait partir de l’idée que l’offensive ennemie va dans un premier temps s’appuyer essentiellement sur l’artillerie et les drones. Comme on l’a vu en Ukraine, face aux HIMARS et les drones, le S300 et le S400 n’étaient pas à la hauteur parce que tout simplement ce n’est pas leur rôle principal. Pour cela, il faut pouvoir compter sur d’autres vecteurs faute de quoi les chars et les hélicoptères tels qu’ils ont été employés lors de l’exercice FASL vont se faire décimer. Dans cet exercice,, même les Su-30 MKA n’ont pas été employés dans la configuration tactique requise. On les a vus la,ncer des bombres lisses (ce qui est une aberration) alors qu’ils sont capables de tirer des missiles guidés à distance de sécurité mais encore faut-il que le commandement les dote des équipements et munitions adéquats (pods de désignation de cible, missiles guidés longue distance).
Conclusion : Le commandement de l’ANP est appelé à adapter les exercices tactiques aux nouvelles conditions de la guerre en restructurant les unités de combat et en les dotant des équipements adéquats. Les Forces terrestres devraient se doter de brigades d’artillerie et de missiles (y compris des vecteurs longue portée comme les MLRS Tornado S et les missiles balistiques Iskander) et de brigades de drones kamikazes en grand nombre. Les brigades d’artillerie devraient pouvoir compter sur des compagnies de drones de reconnaissance pour guider leurs tirs). Par ailleurs la DAT devrait pouvoir compter sur des régiments anti-drones et anti MLRS en prospectant les nouveaux équipements chinois dans le domaine. Dans cette nouvelle configuration, les divisions et brigades blindées et d’infanterie mécanisée devraient entrer en jeu quand les capacités d’artillerie et de drones de l’ennemi ont été amoindries si on ne veut pas qu’elles soient décimées dès les premiers jours du conflit. Le défi que le commandement de l’ANP est appelé à relever est de taille mais il reste à la portée des ressources et des compétences algériennes.
Abdelkader Boussouf