Le Royaume-Uni s’engage dans la guerre contre l’EI en Syrie
Vingt jours après les attentats de Paris, le Royaume-Uni a lancé, ce jeudi 3 décembre, ses premières frappes en Syrie. Quatre bombardiers Tornado basés sur l’île de Chypre ont effectué la première opération offensive au-dessus de la Syrie lors de laquelle ils ont conduit des frappes », a indiqué un porte-parole du ministère de la défense britannique. Ces frappes visaient une installation pétrolière. Les bombardements sont intervenus quelques heures après le vote, mercredi, par la Chambre des communes par 397 voix contre 223, d’une motion qui permet d’étendre à la Syrie les frappes aériennes contre l’organisation Etat islamique (EI) qu’elle effectue depuis plus d’un an déjà en Irak. Le ministre de la défense, Michael Fallon, a annoncé l’envoi de 8 bombardiers supplémentaires à Chypre pour participer à cette offendive aérienne.
Le pays avait le devoir de « répondre à l’appel de nos alliés », a plaidé le premier ministre David Cameron en ouvrant ce débat marathon de dix heures, insistant sur les menaces qui planent sur Londres comme sur Paris. « C’est la bonne chose à faire pour la sécurité de notre pays », a-t-il insisté, assurant que l’intervention était « légale » grâce à la résolution de l’ONU adoptée à l’initiative de la France. Pour Cameron, il s’agit d’une double victoire politique. Deux ans après le rejet par le Parlement de Westminster de frappes aériennes contre le régime de Bachar Al-Assad, les députés ont largement approuvé les bombardements contre l’EI. Cette ample majorité était impossible avant le 13 novembre. Cette fois, le premier ministre a convaincu non seulement la plupart des rétifs de son parti – 313 des 330 des députés tories ont approuvé les frappes –, mais il a entraîné également 66 des 231 élus du Labour, qui a étalé ses divisions politiques. La fracture ouverte par la question syrienne chez les travaillistes s’est manifestée de façon spectaculaire. Tandis que Jeremy Corbyn, le nouveau leader très à gauche du parti, a plaidé avec véhémence en début de séance contre les frappes, l’un de ses lieutenants réputé proche, Hilary Benn, ministre des affaires étrangère du cabinet fantôme, a soutenu les arguments des conservateurs.
David Cameron a ainsi réussi à surmonter le traumatisme de 2003, lorsque son prédécesseur Tony Blair avait obtenu le feu vert des parlementaires pour intervenir en Irak sur la foi d’informations mensongères. « Nous ne sommes pas en 2003, a-t-il plaidé. Nous ne devons pas utiliser les erreurs du passé comme excuse à l’indifférence et à l’inaction. » L’argument de la solidarité avec la France après les attentats du 13 novembre a largement été utilisé. « Que dirions-nous si ce qui s’est passé à Paris était arrivé à Londres, si nous avions demandé le soutien de la France et que la France avait refusé ? », a interrogé Margaret Beckett, ancienne ministre du Labour favorable aux frappes.
Du côté des opposants à l’intervention, on a mis en avant son inefficacité, les risques pour les civils et le peu de fiabilité des « 70 000 soldats » de l’Armée syrienne libre présentés par M. Cameron comme autant de relais pour la prise de Rakka. La crainte d’attentats et d’une montée de l’islamophobie a aussi été évoquée. « Les frappes ne règlent pas le problème, il faudrait s’attaquer aux transactions sur le pétrole de l’EI», a avancé le député du Labour Gerald Kaufman. Quant aux 53 élus nationalistes écossais, ils ont unanimement rejeté les frappes. « l’Ecosse a été entraînée dans une guerre sans stratégie de sortie », a protesté le Parti national écossais (SNP). Pendant les débats parlementaires, quelque 2 000 manifestants scandaient devant Westminster : « Ne bombardez pas la Syrie, nous voulons la paix ! » Les arguments hostiles aux frappes progressent dans l’opinion britannique à mesure que s’estompe l’émotion suscitée par le 13 novembre parisien. Selon un sondage publié mercredi par le Times, 48 % des Britanniques sont favorables à l’intervention alors qu’ils étaient 59 % une semaine plus tôt. Dans le même temps, l’hostilité aux bombardements est passée de 20 % à 31 % (avec 21 % d’indécis). Cela n’a pas empêché les « représentants du peuple » de voter pour la guerre…