Les séparatistes kabyles cherchent à récupérer la figure d’Aït-Ahmed
Selon les observateurs, la dernière volonté de Hocine Aït-Ahmed d’être enterré parmi les siens dans son village natal révèle plus qu’un simple attachement indéfectible au terroir. Il s’agit avant tout de l’expression d’une volonté politique de refuser d’être associé à ses anciens compagnons d’armes dont il a toujours contesté la légitimité politique. Le choix de funérailles populaires dans son village natal est venu chambouler les plans du pouvoir en place qui aurait voulu les récupérer à des fins politiciennes bien connues. Cependant, pour d’autres observateurs, le refus de funérailles officielles pourrait aussi alimenter les tendances hostiles à toute réconciliation nationale entre les Algériens alors que Da L’Hocine a toute sa vie milité pour une telle réconciliation.
Les observateurs qui craignent l’instrumentalisation de la dernière volonté de Hocine Aït-Ahmed contre l’unité nationale seront confortés par l’interprétation que des cadres proches du MAK ont donnée de ce choix. Dans une contribution publiée par un site proche du MAK, Amar At-Ali Usliman écrit : « Les trois jours de deuil, sincère et réel décrétés par la famille patriotique kabyle, ne peuvent en aucun cas se comparer à des milliers de jours de deuil factice et hypocrite décrétés par le dernier des survivants, mais non moins important instigateur du clan de Oujda, ennemi juré de Da l’Hocine et de la Kabylie. N’en déplaise à certains plumitifs, collaborateurs et indics avilis du régime raciste et colonial d’Alger, Mass Ait-Ahmed a choisi humblement et noblement le Pays kabyle comme dernière demeure. Il reposera, en paix, au milieu des siens sous la protection de son aïeul Cheikh Mohand Ulhocine. Livrer l’âme pure de Mass Ait-Ahmed à Ben Bella, Boussouf, Boumediene et Kafi, qui l’attendent comme des alligators affamés au Carré des vampires pour achever leur sale besogne, serait une sorte de trahison, de deuxième mort et d’affront pour Da l’Hocine et le peuple kabyle. Mass Ait Ahmed, qui a consacré sa vie pour la libération puis la démocratisation de l’Algérie et de l’Afrique du Nord, a fini par se rendre compte que sa Kabylité est synonyme de traîtrise et de complot aux yeux de ses ” compatriotes algériens” . Accéder à un destin ”national’ n’était qu’une chimère qu’il a caressée pendant toute sa vie, comme plusieurs hommes politiques kabyles de sa génération.»
L’intellectuel berbériste va plus loin dans son analyse. Il estime que la dernière volonté de Hocine Aït-Ahmed est en contradiction avec la politique « nationale » du FFS : « Le Parti de Da l’Hocine, le FFS, a excellé dans sa campagne de charme, au point de perdre son identité politique. Des accointances ”stratégiques” avec le courant intégriste et arabiste, une politique de discrimination positive (nomination des dirigeants arabes au détriment des compétences kabyles), la mise en avant du passé nationaliste de son leader, un silence sidérant face aux piétinements des libertés religieuses, l’utilisation abusive de la langue arabe etc. Rien n’est épargné, tout a été tenté pour avoir la sympathie des ”autres”, mais sans résultats. Après plus de 52 ans de lutte, le FFS n’a pas pu rallier les autres peuples d’Algérie à son projet de société. ». A l’appui de ses dires sur l’échec des partis berbéristes en dehors de la Kabylie, l’auteur de la contribution rappelle comment Said Sadi et Hocine Aït-Ahmed ont échoué tour à tour à recueillir le nombre de signatures exigé pour se présenter aux élections présidentielles de 1995 et de 1999, ce qui a poussé le DRS et l’administration à leur donner un coup de pouce pour y arriver. Pour les anciens militants du FFS et du RCD qui ont choisi de basculer dans le séparatisme, la conclusion coule de source : si les berbéristes ne pourront jamais avoir le pouvoir dans toute l’Algérie, mieux vaut se recentrer sur la Kabylie. Ayant échoué à convaincre Da L’Hocine de son vivant, les séparatistes cherchent à le récupérer maintenant qu’il ne peut plus témoigner de la réelle symbolique de sa dernière volonté…