L’officialisation de Tamazight entre satisfaction et interrogations
Les militants de la cause berbère à Oran sont partagés sur l’officialisation de tamazight dans l’avant-projet de révision constitutionnelle. Interrogés par l’APS en marge du 11ème festival culturel de Yennayer, ouvert jeudi à Oran, la majorité de ces militants estiment qu’ il s’agit d’un grand évènement, d’une décision historique et l’aboutissement d’un long combat identitaire. Pour M. Bessai, membre de l’association Numidya, l’officialisation de tamazight est une « justice rendue à une culture longtemps marginalisée » et « un pas qui permettra à l’Algérie et aux Algériens de se réconcilier avec leurs racines et leurs origines ». Cet avis est partagé par Na Djedjiga, la nièce de l’écrivain Mouloud Mammeri. Cette sexagénaire estime que l’officialisation tamazight est « l’aboutissement d’un long combat et le fruit de grands sacrifices ». Réconciliation avec son histoire, ses racines et ses origines, justice rendue à un peuple et à une culture, réaffirmation d’une identité sont autant de significations données à ce projet.
Si cette décision a été accueillie avec satisfaction par certains, d’autres militants interrogés se sont montrés plus prudentes, estimant que cette mesure est venue tardivement. C’est le cas de Ferroudja Ousmer, enseignante à la retraite, qui a considéré que cette décision s’est trop faite attendre. « Quoi de plus naturel que de parler et d’écrire sa langue maternelle ? J’ai été privée de ce droit durant le plus clair de ma vie », a-t-elle déploré. Par ailleurs, les réactions de certains intellectuels, présents à l’ouverture de ce festival, ont été marquées par divers questionnements quant à l’institutionnalisation de cette langue et les moyens à mettre en oeuvre pour son développement et sa promotion. Pour Youcef Merrahi, écrivain et universitaire, « il s’agit d’un pas symbolique » et l’officialisation de Tamazight ne doit pas rester une « simple décision politique sur papier ». « Sans textes d’application définissant les étapes à suivre pour le développement de la langue amazighe, de sa généralisation sur l’ensemble du territoire, de sa mise en pratique, ce projet de loi ne serait autre qu’une intention constitutionnelle », a-t-il ajouté.
Même préoccupation exprimée par l’universitaire Hamid Bilek qui a estimé que ce projet de loi est le début d’un long travail que doivent investir les spécialistes et les universitaires. « Malgré sa promotion en langue nationale, en 2001, l’enseignement de tamazight est resté cantonné dans certaines régions et resté facultatif dans la grande majorité des wilayas », a-t-il rappelé. Un autre universitaire, Hassan Helounne, a considéré que la priorité est d’unifier les différents dialectes en seule langue. Il a insisté sur la nécessité de réhabiliter la culture et l’identité amazighe au même titre que sa langue.