Les funérailles de Abassi Madani se tranforment en manifestation imposante
Le pouvoir algérien s’est arrangé pour reporter l’arrivée de la dépouille de Abassi Madani, à samedi pour éviter que les funérailles soient organisées un vendredi et qu’elles donnent lieu à une manifestation politique qui pourrait être exploitée par les partisans de l’ancien parti dissous. Cela n’a pas empêché les funérailles organisées ce samedi après la prière de l’après-midi de se transformer en une manifestation populaire impressionnante durant laquelle des slogans à caractère politique ont été scandés.
Les observateurs qui attendaient ces funérailles pour évaluer l’influence de l’ex-FIS ont pu se rendre compte que le mouvement islamiste populiste continue d’avoir une influence certaine sur de larges franges de la société algérienne, y compris chez les jeunes qui ne l’ont pas connu directement. Malgré la dissolution du parti et la répression féroce qui s’est abattue sur ses cadres et militants durant la décennie 1990, le courant islamiste radical constitue toujours à l’évidence une réalité sociopolitique avec laquelle il va falloir tenir compte dans la recomposition politique future. Bien entendu, cela ne devrait pas faire oublier aux Algériens les errements de la direction du FIS dont l’extrémisme a alimenté la stratégie de la tension des généraux éradicateurs et de leurs alliés au sein de l’Etat et de la société.
Le pouvoir algérien serait bien avisé, selon les observateurs, de bien considérer cette donne politique quand il s’agira de négocier avec les protagonistes de la scène politique algérienne les contours de la transition démocratique. L’opposition algérienne, ce n’est pas seulement les partis autoproclamés « démocratiques » qui n’ont aucune base sociale en dehors de la Kabylie. D’un autre côté, la mouvance dite « islamiste » ne saurait s’arrêter aux partis islamistes officiels qui ont accepté de se compromettre d’une manière ou d’une autre avec le régime Bouteflika durant ces dernières années. Par ailleurs, le Hirak populaire du 22 février est en train d’enfanter progressivement de nouvelles expressions politiques avec lesquelles il faudra compter dans les prochaines années.
Mustapha Senhadji