Lutte anti-corruption : deux anciens DG de l’ANEP dont un ancien ministre placés en détention provisoire

07.03.2023. Le juge d’instruction près le Pôle pénal économique et financier de la Cour d’Alger a ordonné le placement en détention provisoire de deux anciens Directeurs généraux de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP), Djamel Kaouane et Amine Chikr et 5 autres accusés sous contrôle judiciaire, dont l’ancien ministre de la Communication Hamid Grine, impliqués dans des affaires de corruption et de dilapidation de deniers publics, a indiqué lundi un communiqué du Procureur de la République près le Pôle pénal économique et financier.

« En vertu des dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale, le Parquet de la République près le Pôle pénal économique et financier porte à la connaissance de l’opinion publique que suite à l’enquête ouverte par le service régional des enquêtes judiciaires relevant de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour des faits de corruption et de dilapidation de deniers publics concernant l’ANEP, ayant entrainé des pertes au Trésor estimées à des milliards, les mis en cause ont été présentés devant le Parquet le 5 mars 2023″, lit-on dans le communiqué. Il s’agit d' »octroi d’espaces publicitaires à des journaux minuscules et d’autres fictifs, n’existant pas sur la scène médiatique, sans atteindre l’objectif de la publicité, outre le népotisme qui sévissait à travers le choix de titres donnés, avec la complicité de responsables à l’ANEP ».

Sans entrer dans les détails relatifs à une affaire judiciaire en cours, il con,vient de rappeler le contexte politique dans lequel les faits incriminés ont été commis. Les faits de corruption poursuivis par la Justice algérienne n’ont jamais été des faits personnels isolés. Les prévenus agissaient dans le cadre de pratiques mafieuses érigées en méthode de gouvernement durant des décennies par l’appareil de l’ancien DRS dissous qui avait étendu ses tentacule sur l’ensemble des rouages administratifs, économiques et médiatiques du pays. Pour exemple, M. Djamel Kaouane avant d’être nommé DG de l’ANEP en 2015 et puis ministre de la communication en 2017 a été de 2008 jusqu’à 2015 DG du groupe de presse d’Ali Haddad qui éditait entre autres le quotidien Le Temps comme il était durant des années rédacteur en chef du quotidien gouvernemental El Moudjahid avant de travailler à la direction de l’information à la Présidence de la république où il a été remarqué par Saïd Bouteflika qui l’avait recommandé à son ami Ali Haddad pour gérer son groupe de presse privé.

Bien entendu, tous ces postes occupés durant les dernières décennies par M. Kaouane n’ont pu l’être que grâce au petit coup de pouce de ses parrains de l’ex-DRS. Reste la question qui fâche : Les pratiques délétères de l’ex-DRS ont-elles vraiment disparu dans l' »Algérie nouvelle » promise par le président Tebboune ou ne s’agit-il que de changement de décor et de personnel avec la reproduction des vieilles méthodes de contrôle et d’embrigadement ? Bien entendu, l’Etat algérien qui fait face à des campagnes de déstabilisation téléguidées de l’étranger a le droit de se défendre et de défendre la société algérienne. Mais dans une société qui aspire à se libérer de l’autoritarisme, la surveillance nécessaire de l’activité des médias doit s’effectuer dans le respect des libertés constitutionnelles. Les services de sécurité, mandatés par la Justice, ne devraient intervenir qu’après avoir constaté une infraction à la loi. Elles n’ont pas pour mission de dicter par avance aux médias ce qu’ils doivent dire ou écrire.

Mustapha Senhadji