Malika Greffou dénonce le projet de Benghebrit

Malika Greffou, une universitaire spécialisée dans les questions psychopédagogiques et pionnière dans la création des écoles privées, est intervenue, dans un forum du journal El-Hiwar pour critiquer les mesures annoncées par le département de Nouria Benghebrit.  Selon elle, le projet d’enseigner l’arabe dialectal est un vieux projet colonial consistant à imposer une forme de « créole » en Algérie. Cependant, Mme Greffou ne s’est pas contentée d’attaquer ce projet. Elle l’a replacé dans un contexte plus général qui consiste selon elle à imposer des méthodologies importées de France via un groupe multinational dont elle n’a pas cité le nom au départ. Cette multinationale « a pris une grande emprise en Algérie au point de peser sur le sens de la réforme. C’est une multinationale à qui « on a ouvert les portes » et qui a fixé les « normes du livre pour enfants » selon elle. Par la suite, Mme Greffou a précisé au quotidien ElHayat qu’il s’agit du groupe français Hachette.

La mainmise de ce groupe français sur le livre scolaire date de l’accord signé en 2001 par l’ancien ministre de l’éducation nationale de l’époque, Benbouzid. Cet accord a été défendu par un lobby de fonctionnaires, d’inspecteurs et d’intermédiaires privés qui y ont trouvé une matière de faire de l’argent facile. Mme Greffou a rappelé que ce projet a été avalisé au parlement par ceux-là mêmes qui critiquent aujourd‘hui le projet de Benghebrit parmi les défenseurs de la langue arabe. Pour elle, la ministre actuelle « est là uniquement pour exécuter les projets d’inspecteurs qui tiennent les rênes du ministère ».

Mme Greffou a rappelé que les éditeurs qui refusent de suivre ces normes sont soumis à une véritable exclusion : « Ces normes progressent, progressent, et l’arabe recule, recule… Jusqu’à ce qu’elles (les normes) pénètrent au parlement où elles ont été applaudies par ceux qui se disent les défenseurs de l’arabité et de l’islam ». Mme Greffou a parlé ensuite en tant que membre du syndicat des éditeurs. « A cette conférence de l’éducation nationale, les éditeurs qui appliquent les normes étaient bien présents. Ceux qui étaient contre, comme nous, ont été exclus de participation à cette conférence ». Ce projet sur le livre va arriver au sénat et il va probablement passer, selon elle. « Nous sommes aujourd’hui comme si le piège s’est totalement refermé sur nous ».

Auteure d’un livre très polémique, intitulé « L’école algérienne de Ben Badis à Pavlov », paru chez Laphomic en 1989, Malika Greffou a été une bête-noire des conservateurs du secteur de l’éducation dont elle dénonçait les méthodes qui ont conduit, selon elle, à une déculturation des élèves qui au lieu d’apprendre étaient soumis à une opération de conditionnement. La méthode d’enseignement pratiquée en Algérie s’inspire, selon elle, de la méthode Assimil qui consiste à gaver les élèves au lieu de leur apprendre à réfléchir. « L’introduction de la méthodologie structuraliste et pavlovienne est un coup porté à notre patrimoine, un coup porté au terroir » écrivait dans ce livre celle qui a été classée « femme de l’année » en 1989 par le journal Horizons. Malika Greffou défendait une conclusion iconoclaste qui mettait en colère les responsables de l’éducation nationale : Sans avoir les moyens d’un Etat, Abdelhamid Ben Badis a créé une école qui prodiguait un enseignement de meilleure qualité que l’école de l’Algérie indépendante. D’où le titre polémique de son ouvrage, « L’école algérienne de Ben Badis à Pavlov ». En défendant ces positions, Malika Greffou permet au débat sur l’école en Algérie de s’élever d’un cran. Au lieu de se focaliser sur la langue arabe (accusée à tort d’être responsable de la baisse de niveau), le débat devrait aborder les véritables problèmes à caractère pédagogique qu’il s’agit de questionner, de corriger et de changer éventuellement en vue d’améliorer l’enseignement en Algérie.