Toufik Hakkar a-t-il été victime d’un règlement de comptes entre clans rivaux au sommet de l’Etat ?

03.10.2023. Le limogeage de Toufik Hakkar de la présidence exécutive du groupe Sonatrach a surpris et choqué les observateurs qui savent que tout ce qui touche à ce groupe pourrait avoir un impact direct sur l’économie algérienne étant donné que les recettes de Sonatrach continuent d’assurer environ le tiers du PIB du pays.

L’annonce du limogeage du pdg de Sonatrach fut d’abord un fiasco en matière de communication. Le communiqué officiel du ministère de l’énergie et des mines qui annonce la nouvelle n’a pas daigné présenter le moindre justificatif. Tout se passe comme si le pouvoir n’avait aucun compte à rendre aux Algériens, comme si Sonatrach était une propriété privée de ce même pouvoir.

Sur le fond, les observateurs ne peuvent s’expliquer que le président se décide à mettre fin brutalement aux fonctions du PDG d’un groupe qui a réalisé d’aussi bons résultats en l’espace de trois ans et compte tenu de la conjoncture défavorable à laquelle était confronté le groupe suite à la pandémie de Covid-19. Le limogeage de Toufik Hakkar était d’autant plus étonnant qu’il y a quelques semaines, le président de la république n’a pas tari d’éloges pour l’encadrement du groupe qui a réussi la prouesse de lancer des centrales de dessalement d’eau de mer grâce à des compétences algériennes. Un groupe qui a réussi par ailleurs à doubler en l’espace d’un an les fournitures de gaz naturel en direction de l’Italie et de la France au moment où de nombreux oiseaux de mauvaise augure prédisaient l’incapacité de l’Algérie à tenir ses engagements en la matière.

Comment expliquer alors une telle décision qui risque d’avoir des conséquences sur la stabilité du groupe ? Faute d’une communication officielle, moderne et fiable, nous sommes hélas réduits à interpréter les informations informelles qui circulent dans les couloirs de la compagnie même si nous savons qu’il faut les prendre avec beaucoup de précautions. Toufik Hakkar aurait payé le prix fort de son implication (volontaire ou contrainte ?) dans des dossiers sulfureux qui sont aujourd’hui au centre des luttes de clans dans la perspective du second mandat présidentiel. Parmi ces dossiers, on cite la nomination du fils du président de la république, Khaled Tebboune comme conseiller du PDG de Sonatrach et ses interférences dans la négociation de plusieurs contrats avec des sociétés étrangères. On cite également la nomination de la fille du chef d’état-major de l’ANP au poste de directeur financier d’une filiale de Sonatrach à Londres. Enfin, le financement par Sonatrach du l’équipe phare de la capitale, le Mouloudia Club d’Alger (MCA) n’a pas manqué de provoquer le courroux de ceux qui y voient une opération politicienne dans le cadre du soutien au second mandat du président Tebboune.

Quels que soient les griefs qui pourraient être reprochés à Toufik Hakkar, il va de soi qu’il serait injuste de le juger sur les dépassements qui auraient précipité sa disgrâce auprès des décideurs, dépassements qui ne sauraient lui être personnellement imputés quand on connaît comment fonctionne le système algérien. La présidence exécutive d’un groupe de la taille de Sonatrach ne saurait être jugée sérieusement que sur les résultats chiffrés qu’elle réussit à réaliser conformément au plan de charge qui lui a été indiqué par les plus hautes autorités du pays. Et sur ce plan, force est de constater que Toufik Hakkar a rempli correctement sa mission. Cela n’excuse pas les faiblesses auxquelles il s’est laissé aller dans l’exerce de ses fonctions.. Mais si ces faiblesses pouvaient justifier son limogeage, il faudrait alors avoir le courage de réclamer le départ de tous ceux qui ont assisté sans bouger le doigt aux turpitudes qu’ils font semblant aujourd’hui de sanctionner dans un jeu de pouvoir malsain. Il reste à espérer que ce limogeage n’entrainera pas une grave déstabilisation d’une compagnie dont les Algériens attendent énormément dans le cadre du défi de la transition énergétique.

Mohamed Merabet